L'ACI jeunes chercheurs Image et Religion - ICAR et l'équipe ESPRI de l'UMR 7041 - ArScAn ont organisé le 7 juin 2002 une table ronde sur l'iconographie étrusque à l'occasion de la création de la base de données ICAR sur les scènes figurées de l'Italie préromaine [1]. La journée, présidée par Agnès Rouveret, a porté sur la question de la constitution de corpus archéologiques et iconographiques, y compris sous une forme numérique. D'autres contributions ont présenté des dossiers d'exégèse iconographique sur une ou plusieurs scènes figurées étrusques, en prenant en compte l'histoire des interprétations depuis le XIXe siècle ou en proposant de nouvelles lectures, reflétant l'approche historiographique que s'est assignée la base ICAR.
Les actes, qui sont édités grâce à la collaboration d'Airton Pollini (Université de Paris X-Nanterre), reproduisent les réflexions présentées lors de cette journée à la MAE de Nanterre. S'y ajoutent d'autres travaux qui se sont développés ultérieurement et qui complètent la thématique retenue.
Natacha Lubtchansky (Université de Tours, UMR 7041 - ESPRI)
[1] Programme de la journée d'étude : Nouvelles approches en iconographie étrusque. Autour de la base ICAR. (Maison René-Ginouvès - Nanterre, 7 juin 2002) :
Deux vases étrusques dimitation corinthienne inédits se révèlent dun grand intérêt historique dune part par loriginalité de leur iconographie et dautre part par leur contexte archéologique et leur provenance. Ils ont été mis au jour par Claude Albore Livadie dans la nécropole de Calatia, petite cité de Campanie intérieure au nord de la vallée du Clanis, à une vingtaine de km au sud-est de Capoue dont elle subit la forte influence politique et culturelle [1]. La culture matérielle de Calatia est en effet la même que celle de Capoue depuis la phase IIc de lOrientalisant ancien, soit la fin du VIIIe s. Nous avons ainsi, pour une grande partie de lOrientalisant, un chapelet de cités, Calatia, Suessula, Nola, qui, partant de Capoue, relaient linfluence étrusque le long dune voie intérieure qui permet sans doute de contourner la présence eubéenne de Pithécusses et Cumes. Cette route terrestre mène aux cités de la vallée du Sarno, Pompéi et Nocera et à la cité picentine de Pontecagnano. Capoue au nord et Pontecagnano au sud représentent les deux cités « étrusquisées » les plus importantes de Campanie à lépoque archaïque, « étrusquisation » marquée par les importations nombreuses de vaisselle en bronze, damphores, de vases étrusco-corinthiens et en bucchero nero et surtout par limplantation dateliers imitant les productions céramiques étrusques, attestation de la venue dartisans originaires dEtrurie méridionale [2]. Cest sur les prémices de cette riche période déchanges entre lEtrurie méridionale et la Campanie intérieure et méridionale que nos deux vases de Calatia apportent un témoignage précieux.
I- La description des deux vases et linterprétation des motifs iconographiques
Il sagit de deux aryballes à décor polychrome, oeuvres du peintre de Castellani dont latelier est spécialisé dans la production de ces petits contenants à huile parfumée dorigine corinthienne. La technique du décor dit « polychrome » est caractérisée par lusage dun vernis brun marron sombre, légèrement luisant, qui recouvre lensemble du bandeau destiné à la décoration (et non pas seulement les seules silhouettes des motifs comme dans le cas de la technique à figures noires). Sur ce fond sombre, les contours des motifs sont rendus par incision ainsi que les détails internes qui sont de plus (pour nombre dentre eux), mis en valeur par des couches épaisses de rehauts blanc crème et violets. Il apparaît que cette technique du décor polychrome, caractéristique de deux groupes dEtrurie méridionale [3], le groupe de Monte-Abatone et le groupe de Castellani, est de tradition locale et les rapprochements peuvent être nombreux avec les vases en bucchero nero du dernier tiers du VIIe s., dont les fins décors incisés étaient rehaussés de couleurs surajoutées comme la démontré Jean Gran-Aymerich [4]. Les rapprochements entre le bucchero nero et les vases polychromes concernent donc la technique de décoration mais aussi les thèmes iconographiques. Nous retrouvons souvent sur ces deux séries contemporaines de vases étrusques des théories danimaux orientalisants, panthères, lions, griffons, sphinges, cerfs paissant [5], parfois accompagnés dun cavalier.
Alors que nous désirions défricher la voie vers la compréhension de cette iconographie énigmatique, il semble que le problème soit en fait de plus en plus épineux : non seulement ce monstre est unique dans le vaste domaine de lOrientalisant mais de plus, il apparaît comme la première représentation dun chien à plusieurs têtes, et cela sur un vase étrusque découvert en Campanie. Si nous renonçons à la voie des mythes grecs, il nous reste à prendre la direction de liconographie spécifiquement étrusque. Les hommes à tête de chien et de loup y sont connus ainsi que les hommes tricéphales, les premiers faisant référence à des divinités étrusques [12] et les seconds à des mythes autochtones étudiés par A.-M. Adam [13]. Notons de même sur une amphore en impasto de la seconde moitié du VIIe s. la représentation dun homme à deux têtes luttant contre deux griffons que lon peut sans doute interpréter comme une figure de despotes theron [14].
II- Les contextes archéologiques et linterprétation historique
Voici donc deux vases à huile parfumée avec une iconographie à caractère spécifiquement funéraire, produits dans le même atelier dEtrurie méridionale, sans doute Caeré, et découverts chacun dans une tombe à fosse de Campanie intérieure. Il suffit de visualiser la répartition des deux groupes de vases polychromes, celui de Monte Abatone et celui du Peintre de Castellani pour constater loriginalité de cette situation. Laire de diffusion de la très grande majorité de ces vases est limitée à lEtrurie méridionale et centrale, sétendant de Roselle à Véies, avec seulement quatre exemplaires attestés dans le Latium, dont deux dans le sanctuaire de Satricum. Dans ce contexte, nos deux aryballes de Calatia se révèlent être fort isolés au sein dune série de vases qui ne sont habituellement diffusés quà une échelle régionale. Cette exception est riche de sens et nous fournit des informations dordre historique sur la nature des contacts entre une puissante cité dEtrurie méridionale et une petite cité campanienne. Notons que les découvertes de Calatia apportent aussi des informations dordre archéologique sur la datation des productions de latelier du Peintre de Castellani. Les datations de ces productions, habituellement découvertes dans les tombes à chambre étrusques à dépositions multiples ne reposent pas sur ces contextes archéologiques insuffisamment précis mais sur des critères morphologiques (les formes des modèles corinthiens) et stylistiques. A la différence de lEtrurie, les tombes individuelles de Calatia fournissent des contextes funéraires précis pour létude desquels nous nous référons au système chronologique de lOrientalisant récent élaboré par Werner Johannowsky et Claude Albore Livadie [21] :
Les aryballes de Calatia ont sans doute été utilisés pour la préparation des corps des défunts. Ils représentent dans le contexte campanien des années 640-620 des objets de prestige à forte connotation exotique réservés à une élite qui adopte, entre autres par lintermédiaire étrusque, les valeurs aristocratiques orientalisantes. Ces valeurs et croyances sont véhiculées par les thèmes iconographiques mais aussi par la consommation du vin à la manière grecque qui est déjà ancienne en Campanie et par ce comportement nouveau quest lusage de lhuile parfumée. Nous pouvons supposer, en référence à la pratique du don et contre-don, quil sagit de cadeaux diplomatiques prestigieux qui permettent au donateur de faire la démonstration de son opulence (cest une production de sa propre cité, voire même de son propre palais) et de matérialiser les ententes politiques entre familles aristocratiques. Ces ententes politiques se matérialisent surtout dans la période suivante, lOrientalisant récent B (620-590), durant laquelle on assiste à des importations massives de produits dEtrurie méridionale, non seulement dans cette région stratégique de Campanie intérieure qui comprend les cités de Capoue, Calatia et Suessula, entre le Volturne et le Clanis, mais aussi sur la côte méridionale, à Pontecagnano.
Conclusion
Cest leur fonction de cadeau diplomatique qui permet dexpliquer que ces deux vases, parmi les plus originaux de luvre du Peintre de Castellani, sont destinés à une clientèle géographiquement très éloignée et très différente de celle habituellement dévolue à ce type de production. Ils témoignent de la diffusion auprès des élites indigènes de Campanie intérieure de tout un monde orientalisant, qui par le filtre étrusque, concerne le mode de vie, les rituels funéraires, les croyances eschatologiques et même les mythes grecs réinterprétés, adaptés au goût tyrrhénien pour le fantastique et lhybridation monstrueuse. Ces objets de prestige, symboles de lappartenance de leurs propriétaires aux cercles aristocratiques qui pratiquent des échanges à grande échelle géographique, sont les premiers jalons détroites relations politiques, économiques et culturelles entre la Campanie non grecque et lEtrurie méridionale durant tout lOrientalisant récent.
[1] Voir en particulier, J. Heurgon, Recherches sur lhistoire, la religion et la civilisation de Capoue préromaine, Paris, 1970, p. 25 ; C. Albore Livadie, La nécropole préromaine de Calatia, thèse de doctorat soutenue à Nanterre, 1974 ; A. Carro, Calatia, dans Enciclopedia dellArte antica classica e orientale. Secondo supplemento, 1971-1994, p. 808-809 ; Donne di età orientalizante dalla necropoli di Calatia, Naples, 1996.
[2] Publications principales : C. Albore Livadie, La situazione in Campania, dans Il commercio etrusco arcaico, Rome, 1985, p. 127-154 ; W. Johannowsky, Materiali di età arcaica della Campania, Naples, 1983 ; Idem, A proposito delle importazioni di suppelettile di lusso e da tavola lungo la costa occidentale della Lucania e la Campania dalla fine del VII al IV secolo, dans Flotte et commerce grecs, carthaginois et étrusques en Mer Tyrrhénienne, PACT 20, 1988, p. 337-348 ; Idem, Capua antica, Naples, 1991 ; L. Cerchiai, Le officine etrusco-corinzie di Pontecagnano, Naples, 1990 ; Idem, I Campani, Milan, 1995 ; La presenza etrusca nella Campania meridionale, Florence, 1994.
[3] Publications de synthèse : M. Martelli, La ceramica etrusco-corinzia, dans La ceramica degli Etruschi. La pittura vascolare, Novare, 1987, p. 23-29 ; J. G. Szilágyi, La pittura etrusca figurata dalletrusco-geometrico alletrusco-corinzio, dans Secondo Congresso Internazionale etrusco, Florence, 1989, p. 613-635 ; Idem, dans Ceramica etrusco-corinzia figurata. Parte I, Florence, 1995, p. 35-93; F. Gaultier, Ceramiche dipinte di età arcaica, dans Gli Etruschi, Venise, 2000, p. 421-438.
[4] Le bucchero et les vases métalliques, dans Vaisselle métallique, vaisselle céramique. Productions, usages et valeurs en Etrurie, R. E. A. 97, 1995, p. 45-76.
[5] Sur les frises danimaux fantastiques, voir J. M. J. Gran Aymerich, Situles orientalisantes du VIIe s. en Etrurie, dans M. E. F. R. A. 84, 1972, p. 7-59.
[6] M. A. Rizzo, Pittura etrusca del Museo di Villa Giulia nelle foto di Takashi Okamura, Rome, 1989, p. 110.
[7] G. Colonna, Gli Etruschi e « linvenzione » della pittura, dans Pittura etrusca, op. cit., p. 22.
[8] Rizzo, op. cit., pl. V, a.
[9] Lexicon Iconographicum Mithologiae Classicae VI, p. 31.
[10] Lexicon, op. cit., VII, p. 106.
[11] J. Boardman, A monstruous pet, dans Stips Votiva. Papers presented to C.M. Stibbe, Amsterdam, 1991, p. 7-10. Sur le dossier des animaux fantastiques en Grèce archaïque, voir en particulier D. Woysch-Méautis, La représentation des animaux et des êtres fabuleux sur les monuments funéraires grecs. De lépoque archaïque à la fin du IVe s. av. J.-C., Lausanne, 1982.
[12] I. Krauskopf, Influences grecques et orientales sur les représentations de dieux étrusques, dans Les Etrusques, les plus religieux des hommes, Paris, 1997, p. 25-36, en particulier, p. 25.
[13] A.-M. Adam, Monstres et divinités tricéphales dans lItalie primitive. A propos de deux figurines en bronze étrusques, dans M. E. F. R. A. 97, 1985, p. 577-609.
[14] G. Camporeale, La collezione C.A. Impasti e buccheri. I, Rome, 1991, n°37, p. 43-45, fig. 6.
[15] Oenochoé du musée de la Villa Giulia, inv. 12188, dans Szilágyi, Ceramica etrusco-corinzia, op. cit., n°1, p. 67, fig. 12, pl. XIV, d.
[16] F. Canciani, La ceramica geométrica, dans La ceramica degli Etruschi, op. cit., n°21 et 22, p. 77 et p. 251-252.
[17] Voir en particulier : R. Dick, Unanfora orientalizzante etrusca nel museo Allard Pierson, dans Bulletin Antieke Beschaving 56, 1981, p. 45-74 ; M. Martelli, La ceramica orientalizzante, dans La ceramica degli Etruschi, op. cit., n°41, p. 94.
[18] N. J. Spivey, The Micali Painter and his followers, Oxford, 1987, p. 45.
[19] Sur ladaptation des mythes grecs en Etrurie et les « manipulations » de scènes dorigine grecque, voir en particulier M. Menichetti, Archeologia del Potere. Re, immagini e miti a Roma e in Etruria in età arcaica, Milan, 1994, p. 12, avec bibliographie antérieure à la note 9.
[20] Pour la représentation de Géryon : Gli Etruschi, op. cit., p. 474, cat. 119, p. 577-578. Pour celle de sa mère : Principi Etruschi tra Mediterraneo ed Europa, Venise, 2000, p. 246, n°311 p. 257.
[21] W. Johannowsky, Problemi di classificazione e cronologie di alcune scoperte protostoriche a Capua e a Cales, dans Studi Etruschi, 1964, p. 685 ; C. Albore Livadie, Notes de typologie et de chronologie, dans Le bucchero nero étrusque et sa diffusion en Gaule méridionale, Bruxelles, 1979, p. 91.
[22] Qui feront lobjet dune prochaine publication.
[23] La qualité particulière du vernis à reflets métalliques, les caractéristiques de la pâte, les formes et les dimensions de ces unguentaria en attestent, de même, la technique de décoration à incisions et lemploi de rehauts de couleurs est celle des vases polychromes.
[24] Une inscription gravée sur un aryballe corinthien découvert à Tarente prouve que ces huiles parfumées sont vraiment un symbole déternité : « Jespère léternelle demeure et beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup de joie » (F. Gino Lo Porto, Iscrizione arcaica tarantina su un ariballo corinzio, dans La Parola del Passato CCCXVIII, 2001, p. 211-216.
Nous souhaitons, à l'occasion de cette rencontre de Nanterre, nous pencher sur l'iconographie du fameux cratère étrusco-corinthien du Peintre "delle Code Annodate" trouvé dans la tombe I du tumulus I, dans la zone A de la Nécropole de la Banditaccia de Cerveteri (dit cratère de Gobbi). Ce vase, conservé au Museo Archeologico de Cerveteri [1] est daté des années 590-570 [2].
L'iconographie étrusque du début du VIème siècle avant J.C. est souvent de lecture très difficile. Nous percevons les éléments que les artistes étrusques ont empruntés aux Grecs ou aux Orientaux, mais la construction des scènes et leur signification globale nous échappent le plus souvent. Le problème devient encore plus prégnant lorsque les motifs qui apparaissent sont spécifiquement étrusques comme c'est le cas des deux curieux escaliers de pierre qui sont figurés sur le cratère du Peintre "delle Code Annodate"
I- Les frises du cratère du peintre "delle Code Annodate".
Figure 1a : Cratère dit de Gobbi. Frise de la panse. 590-570.Martelli 1987, p. 132.
Cette frise, la plus complexe, est composée de trois scènes qui semblent indépendantes. La première est un combat entre Héraclès, revêtu de sa léonté, et un double ou triple guerrier qui est vraisemblablement Géryon (trois bufs à sa droite) [3]. Héraclès tire une flèche sur le guerrier muni d’une lance.
Le second groupe est composé d'une femme et d'un centaure qui se font face. Le centaure, à droite, tient une sorte de bâton dans sa main gauche et il présente un canthare, tenu dans sa main droite, à la femme qui se trouve devant lui. Celle-ci est vêtue d'un long manteau, elle tient une petite boule entre son pouce et son index gauche, au-dessus du canthare. Au-dessus de la croupe du centaure, une sirène (peut-être à face humaine) à quatre ailes vole vers la droite de la scène.
La dernière scène est beaucoup plus complexe. Derrière la femme, un cavalier au galop est de profil gauche. Puis une femme de grande taille, de profil gauche, vêtue d'un long manteau, présente une patère dans sa main droite au-dessus des premières marches d'un escalier monumental construit en petit appareil. Un homme, dont seule la partie inférieure est visible à cause d'une lacune et qui est sans doute vêtu d'un perizôma, monte les marches du monument avec une femme sous son bras gauche. Cette dernière est vêtue d'un long manteau et ses bras sont tendus vers les bras d'un énorme serpent à tête et à bras humains dont le corps sort de l'autel.
Figure 1b : Cratère dit de Gobbi. Frise de l'épaule. 590-570.Martelli 1987, p. 132.
Une seconde frise, plus courte et plus étroite, sur l'épaule du vase, représente une procession de trois personnages et d’un buf en direction d'un monument en forme d’escalier situé à l'extrême gauche de la scène. Ce monument est semblable à celui qui se trouve sur la frise de la panse mais il est placé dans un contexte différent. Un personnage de profil droit, vêtu d'un épais manteau, est assis sur les marches de la construction monumentale. Il présente, dans sa main droite, un petit objet au buf qui marche vers l'escalier. L'animal précède un homme qui le tient en laisse par une patte. L'homme est barbu, vêtu d'un long manteau et il est coiffé d'un bonnet pointu. Il est suivi d'un homme de profil gauche dont seules la tête et une jambe sont visibles. Puis, le vase présente une lacune importante qui s'interrompt pour nous faire découvrir un cavalier de profil gauche jouant d'un long tuba, une sirène, de profil droit, clôt la scène.
I.3- Analyse.
L'analyse de ces deux scènes est complexe. La scène de la panse a été souvent étudiée, les auteurs ont essayé de trouver une cohérence à l'intérieur de cette frise sans toutefois obtenir de résultats satisfaisants [4]. On en a ensuite déduit qu’il s’agissait de trois scènes sans lien apparent. Ceci ne doit pas nous étonner car les premières scènes figurées narrant des épisodes mythologiques complexes n’apparaissent en Grèce, précisément à Athènes, qu'à partir des années 580-570 avec le peintre Sophilos, contemporain du peintre delle Code Annodate. La première scène peut être analysée sans trop de difficultés, même si on ne trouve pas de comparaisons strictes dans la céramique grecque ou étrusque [5] ; il s’agit de toute évidence de la lutte entre Héraclès et Géryon : on pense au Géryon de Stésichore (vers 640-550) qui semble avoir marqué les esprits à cette époque. La seconde scène est plus difficile, l’identification du centaure avec Pholos est incertaine. Il n’existe pas de scènes comparables en Etrurie ou en Grèce à la même époque [6] et il est probable que ce centaure est un monstre psychopompe. Quant à la scène finale, l’hypothèse retenue à ce jour est celle de Fischer Hansen qui pense à la représentation d'un épisode mythologique grec relatant une scène de sacrifice humain et plus précisément le sacrifice de Polyxène sur le tombeau d’Achille [7]. Pourtant, plusieurs éléments fragilisent cette hypothèse. Premièrement, la femme et le monstre tendent les bras l'un vers l'autre, la femme n'est pas terrorisée et elle semble au contraire ravie d'être accueillie par le serpent. On retrouve en Etrurie sur une plaque Campana contemporaine du cratère de Gobbi, deux hommes ailés qui portent une femme et qu'on a identifié à une défunte emportée vers l’au-delà par deux êtres psychopompes [8]. En second lieu, il n'existe pas en Grèce ou en Etrurie de scènes comparables. A Athènes, une scène célèbre peinte par Timiadès sur une amphore tyrrhénienne datée des années 565-550 représente le sacrifice de Polyxène [9]. Dans ce cas, la femme est tenue fermement par trois guerriers, elle est égorgée au-dessus d’un tertre [10] et il n'y a pas de monstre-serpent. Il faut ajouter que ce monstre est à ce jour un unicum. On connaît de nombreux monstres hommes-serpents (Nérée) mais ceux-ci ont toujours un buste et une tête humaine, et pas seulement une tête et des bras humains comme sur le cratère dit de Gobbi.
La scène qui se déroule devant l'escalier monumental est fondamentale pour la compréhension de l'ensemble de la frise. Pourtant, l'élément central de cette scène, l'escalier monumental, a été rarement étudié.
La seconde frise située sur l'épaule du vase représente une procession que l’on décrit habituellement comme sacrificielle. Des lacunes importantes, au centre, nous privent d’éléments importants mais on peut conserver cette lecture sacrificielle sans risque d’erreur. Le personnage le plus à droite joue d’un long tuba qui n’est pas un instrument de musique militaire mais plutôt religieux [11]. Le personnage menant le buf n’est pas à coup sûr un haruspice comme cela a été trop rapidement affirmé à cause la forme de son couvre chef mais il est assurément un magistrat [12]. Ce type de chapeau est fréquemment porté par des personnages dont on ne peut affirmer si l'autorité était politique ou religieuse. Il s'agit du moins d'un personnage ayant un rôle important dans la vie communautaire. Le personnage, sans doute féminin, assis sur les marches du monument semble être une défunte qui assiste à un sacrifice funéraire.
Plusieurs éléments, sur le cratère dit de Gobbi, trouvent des comparaisons avec des realia. Il s'agit naturellement du canthare à la forme élégante que tient le centaure et qui est la représentation d'un vase métallique. La forme de l'instrument de musique est très particulière. Il se distingue des habituels lituus étrusques à l'extrémité recourbée, il s'agit d'un tuba. Mais ce qui nous intéresse plus particulièrement est l'élément commun entre les deux frises, il s’agit du grand escalier de pierre qui dans les deux cas se trouve à l’extrême gauche de la scène. La scène de l’épaule est plus petite et le monument est moins bien représenté mais il s’agit bien dans les deux cas du même monument placé dans deux contextes différents : un escalier monumental, une construction de grande taille en petit appareil et qui est percé au sommet. Cet élément commun peut être utilisé comme clé de lecture pour mieux comprendre ces deux scènes.
II- Les monuments en forme d’escalier en Etrurie et en Grèce.
II.1- Les monuments en forme d'escalier dans le monde grec.
Il n'en existe pas de semblable en Grèce. Krauskopf pense que ce type de monument dérive des autels de la sphère syro-phénicienne [13], mais sans en apporter la preuve.
Figure 2 : Sarcophage d'Agia TriadhaYavis 1949, fig. 13.
Les autres comparaisons ne peuvent être faites avec des autels mais avec des tribunes le plus souvent destinées aux spectateurs assistants aux jeux en l'honneur de Patrocle.
Figure 3 : Fragment de vase à figures noires Jeu de Patrocle.Inghirami F., vol. 4, 1837, tav. CCCVII.
Figure 4 : Cratère Corinthien à figures noires. Mission des héros Grecs à Troie. Vatican. Boardmann 1996.
Figure 5 : Fragment de dinos à figures noires signé par Sophilos (jeux de Patrocle). 580-570.Boardmann 1996.
Pourtant, aucune de ces comparaisons n'est absolument satisfaisante et il faut remarquer que les comparaisons peuvent être faites avec un autel ou plus souvent avec des gradins, les marches servant alors de siège pour les spectateurs. C'est dans ces deux contextes, de siège et d'autel, qu'est représenté l'autel de pierre étrusque figuré par deux fois sur le cratère dit de Gobbi. En Grèce, le théâtre est le plus souvent au départ conçu comme un escalier monumental menant au temple. C'est aussi selon ce principe que Pompée construisit un théâtre à Rome devant son temple de Vénus Victrix en 55 avant J.-C. Il affirma construire un escalier monumental pour accéder au temple de Vénus Victrix car les Romains n'acceptaient pas la construction par un particulier dans la ville de Rome d'un espace pouvant servir de tribune à un seul homme. Le théâtre de Pompée fut donc officiellement un escalier monumental qui permettait d'accéder au temple. Cette double fonction de l'escalier monumental (moyen d'accéder à un édifice et gradin) est donc largement attestée dans l'Antiquité.
II.2- Des comparaisons dans le monde étrusque.
Figure 6 : Anse d'une coupe skyphos de bucchero. 550-500.Krauskopf 1974, pl. 6, 1.
Figure 7 : Scala Santa de Sorgenti della Nova.Rittatore Vonwiller 1982.
Figure 8 : Monuments de la Tolfa.Colonna di Paolo 1984, p. 524, 4, fig. 5.
Figure 9 : Monument de Manziana.Euwe-Beaufort.
Les comparaisons avec les représentations grecques, étrusques et avec les monuments rupestres de la Tolfa ne permettent d'obtenir que des résultats limités. Il faut, pour avancer dans nos réflexions, aller voir si, en Etrurie, existaient des constructions semblables à celles peintes sur le cratère dit de Gobbi.
II.3- De nouvelles comparaisons archéologiques.
II.3.1- Le bâtiment proche de la Cuccumella de Vulci [18].
Figure 10 : Construction près du tumulus de la Cuccumella de Vulci. Sgubini Moretti 1994.
II.3.2- Le bâtiment proche de la Cuccumettella de Vulci [19].
Figure 11 : Tumulus de la Cuccumettella de Vulci. Sgubini Moretti 1994.
III- Une reconstitution chronologique et historique des escaliers monumentaux en Étrurie.
Figure 12 : Plan de Grotta Porcina. Romanelli 1986.
Nous sommes ici à une période charnière de l'histoire étrusque : les tumuli sont toujours utilisés, on creuse même parfois de nouvelles tombes dans les vieux tumuli mais on n'en construit plus de nouveaux. Dès la première moitié du VIème siècle, une "classe moyenne" cherche à imiter la vie des grands aristocrates mais sans avoir les moyens de construire des tombes de dimensions aussi importantes. C'est ce que montrent les deux structures étudiées précédemment, elles permettaient de reproduire les mêmes cultes que ceux qui étaient pratiqués sur les tumuli mais à une échelle inférieure.
Les monuments peints sur le cratère de Gobbi sont très vraisemblablement les représentations de monuments semblables à ceux de Vulci. Ils nous apportent des informations très importantes sur les pratiques funéraires étrusques.
Le culte est très clairement chtonien puisque les défunts étaient accueillis par des êtres monstrueux. Le serpent à buste humain est un monstre chtonien qui vit sous la terre et qui communique avec les vivants grâce à l'autel percé d'un canal. La libation est présente par l'intermédiaire de la femme devant l'autel et elle confirme encore la nature chtonienne du culte. La femme qu'on apporte sur l'autel n'est pas la victime d'un sacrifice humain mais une défunte qui va être accueillie par ce monstre dans l'au-delà. Les monstres bienveillants qui accueillent les défunts sont très nombreux en Etrurie, Charu et Tuchulcha n'ont pas un physique beaucoup plus avenant que le monstre du cratère de Gobbi.
Le vocabulaire iconographique de la scène de la panse du vase est grec (sacrifice d'une femme, Polyxène ou Iphigénie (?), Centaure, Héraclès, Geryon, oiseau à face humaine) mais les éléments ont été décomposés puis recomposés pour les besoins narratifs étrusques. Les thèmes de ce vase sont funéraires et mythologiques mais il serait vain de chercher à décoder cette scène avec le vocabulaire iconographique grec et en chercher une explication globale. Ce vase est une production locale faite par ou pour des Étrusques, il présente un univers mixte avec des monstres qui peuplaient les voies vers l'au-delà étrusque et la représentation de l'accueil d'une femme par un être psychopompe grâce à un sacrifice qui permet d'entrer au contact avec "l'autre monde" en abolissant les barrières entre ces deux mondes. La scène de l'épaule présente une procession avant un sacrifice funéraire en l'honneur d'une défunte. L'animal sacrifié est ici un bovin. Nous ignorons si c'est le sacrifice effectué lors des funérailles ou lors d'une cérémonie périodique qui est représenté. L'escalier est figuré dans un contexte différent de l'autre, le monument est désormais le lieu de résidence de la défunte et on peut constater que l'escalier sert également ici de gradins (nous avons déjà noté que les seules comparaisons contemporaines possibles avec le monde grec sont avec des gradins). L'étude des tumuli étrusques nous a, par ailleurs, permis de mettre en évidence la double fonction d'escalier et de gradins des escaliers d'accès aux tumuli étrusques (Tarquinia, Fiesole) [21]. En Etrurie, le monument funéraire gentilice était souvent aussi le lieu de réunions périodiques de la gens. Ceci nécessitait des gradins pour accueillir les participants à ces rassemblements.
Les monuments de Tolfa, de Manziana et l'escalier de la coupe-skyphos d'Heildelberg sont des monuments dérivés des escaliers monumentaux funéraires de la fin du VIIème siècle et du début du VIème siècle. Leurs dimensions ont encore été réduites mais ils ont toujours les mêmes fonctions de cippe et de lieu de culte funéraire. C'est une fonction identique qu'ont aussi les trônes rupestres de cette région.
L'analyse conjointe et précise de l'iconographie et des sources archéologiques étrusques permet donc de parvenir à des résultats surprenants. Elle montre que la confrontation entre l'iconographie grecque et celle étrusque ne doit être qu'un élément parmi d'autres dans l'analyse de l'iconographie étrusque.
Bibliographie :
Banti 1966
Banti L., Eracle e Pholos in Etruria, SE, XXXIV, 1955-1956, p. 371 ss.
Boardmann 1996
Boardmann J., Les vases athéniens à figures noires, Paris, 1975.
Bonghi Jovino 1999
Bonghi Jovino M., TANTUM RATIO SACRORUM GEREBATUR. L'edificio beta di Tarquinia in epoca orientalizzante e alto-adriatica. Ancora in merito alle techniche edilizie. Agli aspetti architettonici, sacrali e culturali con comparanda mediterranei, KOINA, Miscellanea di studi archeologici in onore di Piero Orlandini a cura di Maria Castoldi, Unversità degli studi di Milano, Milan, 1999, pp. 87-103.
Euwe-Beaufort
Euwe-Beaufort J., Due singolari monumenti rupestri nel Braccianese, MedelhavsMusB, XLVII, pp. 41-50.
Fischer-Hansen 1976
Fischer-Hansen T. Yet Another Human Sacrifice. Studia Romana in honorem P. Krarup, Odense, 1976, pp. 20-27.
Gerli 1997-1998
Gerli V., Altari monumentali d'Etruria meridionale e di area falisca. Monumenti di sicura e incerta interpretazione, tesi di laurea, Università degli Studi di Milano, 1997-1998 (sous la direction de M. Bonghi Jovino).
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Hugot L., Recherches sur le sacrifice en Etrurie, Université de Nantes, soutenance, octobre 2003.
Jannot 1976
Jannot J. R., Deux nouveaux reliefs "Tarquiniens", AK, 1976, 2, pp. 92-100.
Krauskopf 1974
Krauskopf I., Der Thebanische Sagenkreis und andere griechische Sagen der Etriskischen kunst, Mayence, 1974.
Martelli 1987
Martelli M., La ceramica degli Etruschi. La pittura vascolare, Ed. Istituto geografico de Agostini, Novare, 1987.
Martelli 1994
Martelli M. (sous la direction de), Tyrrhenoi Philotechnoi, Atti della giornata di studio organizzata dalla Facoltà di conservazione dei beni culturali dell'Università degli studi della Tuscia in occasione della mostra "Il mondo degli Etruschi. Testimonianze dai musei di Berlino e dell'Europa orientale." Viterbo, 13 ottobre 1990, Rome 1994.
Rittatore Vonwiller 1982
Rittatore Vonwiller L., Preistoria e protostoria, 1-2., Côme, 1982, pp. 729-746.
Romanelli 1986
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Roncalli 1965
Roncalli F., Le lastre dipinte da Cerveteri, Florence, 1965.
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Steingräber 1982
Steingräber S., Überlegungen zu etruskischen Altären, Miscellanea archaeologica Tobias Dohrn dedicata, Roma, 1982, pp. 103-116.
Yavis 1949.
Yavis C. G., Greek Altars. Saint Louis Univ. Studies, Monog. Series : Humanities 1, S. Louis, 1949.
[1] Inv. : 19539.
[2] Banti 1966. Fischer-Hansen 1976, p. 20-27. Martelli 1987, n°85, pp. 289-291, fig. 85, p. 132 (avec bibliographie antérieure). Euwe-Beaufort, pp. 41-50.
[3] Une lacune nous prive d'une grande partie du corps du personnage.
[4] Voir note 2.
[5] Voir LIMC, Geryoneus, Héraclès.
[6] Nous n'avons pas trouvé de parallèles pour le bâton du centaure et pour le centaure lui-même.
[7] Fischer-Hansen 1976.
[8] Présentation dans Roncalli 1965, tav. III. Le fait que cette scène soit ou non mythologique (sacrifice d'Iphigénie) a peu d'importance pour notre démonstration.
[9] Boardmann 1996, fig. 57.
Figure 13 : Fragment de cratère attique à figures noires du NYork Nessos Painter (Boston Ioan).Boardmann 1996.
[11] Voir les études faites sur le lituus de Pian di Civita (Voir Hugot 2003, partie II à ce sujet).
[12] Voir Hugot 2003, partie IV.
[13] Krauskopf 1974.
[14] E 80, Archäologisches Institut der Universität ; H : 9, 8 ; diam. : 12, 5.
[15] Schmidt 1963, pl. 50, 4. Krauskopf 1974, pl. 6, 1. Jannot 1976, pp. 92-100, fig. 25, 4.
[16] Nous ne pensons pas que la Scala Santa avait la même fonction que ces escaliers de pierre.
[17] Euwe-Beaufort 1985, p. 102, c, fig. 6. Steingräber 1982, taf. 6, 3.
[18] Le monument fut découvert en 1988. Bonghi Jovino 1999, pp. 87-103. p. 99 (note 106 pour la bibliographie sur la Cuccumella). Voir Gerli 1997-1998. Sgubini Moretti 1994, p. 29.
[19] Sgubini Moretti 1994, pp. 22-35.
[20] Beaucoup de tumuli étrusques de la région de Cerveteri et de Vulci ont un escalier ou une rampe qui permettait d'accéder au sommet du monument. Des cérémonies funéraires étaient pratiquées sur ces tumuli.
[21] Voir Hugot 2003, partie IV.
Parmi les représentations quelque peu enigmatiques que nous montrent les reliefs de pietra fetida provenant de la région de Chiusi, une scène, répétée au moins à dix reprises [1], est restée jusqu'à présent pratiquement inidentifiée. La composition rassemble un groupe de cinq femmes; deux d'entre elles, de profil, sont assises face à face au premier plan, sur des tabourets. Derrière elles se trouvent trois femmes debout, disposées symétriquement; l'une, au centre, est figurée de face, mais le visage de profil, les deux autres, placées à droite et à gauche derrière les femmes assises, sont figurées de trois quarts ou de profil. Les trois femmes debout portent des étoffes, tantôt roulées sur les épaules, tantôt tendues à bout de bras [2]. Ces représentations ont été qualifiées de "scènes de gynécée" ou d'"assemblée de femmes", termes vagues que nous avons employé nous-même, mais qui ne nous satisfont nullement.
Il convient de rappeler que tous les monuments connus qui portent une représentation de ce type appârtiennent à la catégorie des bases moulurées, presque toutes creuses, dont la fonction probable est celle d'ossuaires ou, pour celles qui sont pleines, de supports de statues creuses a fonction de cinéraires ou d'ossuaires. Il s'agit donc de monuments funéraires dont la fonction n'est peut-être pas nécessairement individuelle mais qui peuvent avoir servi à receuillir les restes de plusieurs corps inhumés antérieurement, ce qui est souvent le propre des ossuaires.
La scène qui nous intéresse se développe sur une face entière de ces monuments. Sa composition est pratiquement semblable à celle des représentations que nous avons coutume de nommer, d'une manière beaucoup trop imprécise : "assemblées d'hommes". On voit dans ces dernières deux hommes assis face à face sur des sièges pliants tandis que debout derrière eux se trouvent trois autres personnages masculins qui souvent tiennent des emblèmes politiques ou magistraturaux. Un seul monument [3], à notre connaissance, présente, sur deux de ses faces, les deux scènes presque symétriques.
Les scènes associées aux représentations d'assemblées féminines sont, à l'exception de deux reliefs très fragmentaires dépourvus de tout voisinage, des scènes de prothésis ou des danses de lamentations funéraires, et, quand il est possible d'identifier le sexe du défunt, ce que permettent souvent les scènes de prothésis, il s'agit toujours d'une femme [4].
Un fragment conservé à Florence [5] pose lui un sérieux problème. Seule la partie droite de la scène est conservée, elle jouxte une scène de deuil, sans doute de prothesis, où trois personnages masculins (dont deux enfants) exécutent les gestes du deuil et, les mains sur la tête, s'arrachent les cheveux. Le fragment qui retient notre attention montre une femme de profil à gauche assise sur une chaise à dossier. Elle est vêtue d'une ample tunique et d'un manteau dont un pan couvre sa tête. La main droite est malheureusement brisée, mais il est certain qu'elle tient une quenouille dans la main gauche. Derrière elle, une femme debout, tournée de profil gauche, tend à bout de bras une pièce d'étoffe bordée d'un galon, elle porte une couronne dans sa main gauche. Identifier une quenouille dans l'objet fragmentaire que tient la femme assise nous semble incontestable. En revanche la position de la main droite ne permet pas de savoir si cette femme filait. Si tel était le cas, un fil vertical (qui aurait pu être peint), mais surtout un fuseau, devraient encore être visibles au dessous de l'avant-bras droit, or ces indices manquent. Nous pensons en conséquence que seule la quenouille était représentée, et que la femme se contentait de la tenir dans la main gauche, comme les femmes ou les déesses qui tiennent ailleurs des fruits ou des tiges florales, et que cette hypothèse est d'autant plus probable qu'il semblerait (mais cette observation est un peu subjective !) que la paume droite ait été ouverte vers la gauche
Cette quenouille ainsi tenue comme un emblème par une femme noblement vêtue, portant de belles boucles d'oreilles et assise sur un siège de prestige, semble dépasser la fonction d'un simple outil pour acquérir la valeur symbolique d'un insigne.
Il n'y a guère lieu d'être surpris. En effet les dépôts d'objets liés à l'activité textile, et d'abord à la filature de la laine, sont courants dans les tombes nobles depuis la fin de l'époque villanovienne jusqu'à l'aube des temps archaïques. Quenouilles, fuseaux, fusaioles et bobines foisonnent dans le mobilier funéraire féminin. Mais parmi ces objets, dont nous serions tentés de croire qu'ils sont utilitaires (et qui d'ailleurs le sont ou l'on été dans les tombes les plus anciennes et les plus pauvres) nous connaissons un nombre important d'outils de fileuse en matières luxueuses, en ambre ou même en verre filé, ornés de perles de verre ou de fils de métal précieux, qui n'ont jamais eu d'usage pratique! Il est impossible, et même imprudent, d'utiliser une quenouille en verre ! Ces objets sont le pendant des armes de parade des tombes masculines, et ils accompagnent des dépositions où l'on ne compte plus les bijoux et les accessoires précieux. Ils ont manifestement une fonction emblématique, ostentatoire : ils qualifient la Domina, la maîtresse de l'oikos, celle qui exerce la noble activité de filer la laine du domaine et de présider au tissage des étoffes.
Il est à peine besoin de rappeler que dans la société homérique, Andromaque travaille au fuseau et au métier à tisser comme le font aussi Pénélope, Circé, Calypso, Hélène ou, dans la geste romano étrusque, Tanaquil. Les grandes dames de l'épopée, du mythe ou de l'histoire archaïque se qualifient ainsi comme des fileuses ou des tisseuses qui dirigent l'atelier domestique, au même titre que leurs époux, les rois ou les principi, se qualifient au combat. Les insignes des uns sont les armes et les chars de guerre, ceux des autres les quenouilles et les fuseaux qui ont la valeur de véritables sceptres féminins. Cette activité textile est fièrement illustrée par l'iconographie princière; qu'il suffise d'évoquer les sculptures sur bois du trône de Verucchio [6] ou les deux faces du tintinabulum de Bologne [7] où apparaissent le travail de filature, celui de l'ourdissage et celui du tissage.
Que l'on se réfère aux trouvailles archéologiques, aux allusions littéraires ou aux représentations de prestige, on retrouve de l'aube du VIIIéme à la fin du VIIéme s. une donnée constante: la maîtresse de la maison princière, ou simplement noble, manifeste certes sa richesse et son élégance par la splendeur de ses bijoux et le raffinement de sa toilette, mais elle affirme la noblesse de sa fonction par des outils précieux de fileuse et de tisseuse. La dame de haut rang montre son appartenance aristocratique en filant et en tissant.
Le relief de Florence, malheureusement fragmentaire, représente probablement une noble dame tenant la quenouille de la défunte, insigne qui symbolisait le rôle de la domina, tandis que, derrière elle, la femme debout tend l'étoffe, produit de cette activité textile qui dans l'oikos, était dévolue à la maîtresse. Cette représentation donne à son tour tout leur sens aux images des assemblées de femmes, aux scènes "de gynécée" et au comportement de ces femmes assises entourées de porteuses d'étoffes.
Nous sommes persuadé que les "assemblées de femmes", dont le schéma est semblable à celui du relief de Florence, s'inscrivent dans la droite ligne de cette affirmation des valeurs féminines de l'époque orientalisante et archaïque. Les scènes si souvent répétées, et toujours, quand il est possible d'en déterminer l'environnement, dans le cadre d'une sépulture féminine, présentent très probablement un moment particulier des cérémonies funéraires, celui de la louange de la défunte dont on met en évidence la fonction textile, spécifiquement aristocratique.
Or ces images chargées d'évoquer le rôle de la noble dame défunte ne font que reprendre ce que montraient encore, un demi-siècle plus tôt, en Attique, certaines séries de pinakès funéraires à figures noires. Une pinax de Berlin montre à la fois une présentation d'étoffes et un enfant, signe nous semble-t-il de la double fonction de la maîtresse de l'oikos: celle de mère et celle de patronne des activités textiles. "Si faire des enfants et les élever -disait Finley [8] en parlant de la maîtresse de l'oikos archaïque- est le destin de la femme, filer la laine (et nous ajoutons, la tisser) en est l'emblème".
Les raisons de louer la défunte sont présentées par ces femmes debout derrière les deux personnes solennellement assises sur leurs tabourets: on montre les étoffes sorties, sinon des mains de la maîtresses, du moins de l'atelier qu'elle conduisait, et les deux femmes assises ne manquent pas de tâter la laine, d'en apprécier le moelleux ou la texture, d'en admirer la qualité. Plus tard, on en arrivera à inscrire en guise d'épitaphe Lanam fecit.
Il y a lieu, en effet d'admirer ce travail. Ainsi en est-il de la base de Palerme 8384 (D,II,8) où les étoffes sont comme plissées, ondulées, marquées de reliefs longitudinaux qui ne sauraient se confondre avec ceux qui naissent spontanément d'un drapé. Comment ne pas songer devant ces pièces, qu'admire en ce retournant l'une des femmes assises, à ces tissus "ondulés" [9] semblables à la toge royale que portait Servius Tullius et qui était l'uvre même de Tanaquil ? Un tel procédé, hautement archaïque, n'a pu se maintenir que par un conservatisme rituel,dont les familles aristocratiques étaient fort naturellement les gardiennes. Probablement, ce vêtement était-il réservé aux personnages d'un certain rang, chargés d'une fonction magistraturale et avait-il alors qualité et rôle d'insigne ? On a maintes fois mis en évidence le rôle des femmes dans les successions royales en Etrurie comme, dans le Latium. Certes,on ne saurait les considérer comme les acteurs d'une société "féministe", mais il est indéniable qu'elles transmettent le pouvoir: épouser une fille de roi, c'est la promesse de devenir roi. Or, aux temps semi légendaires du VIIIème et du VIIème s., ces femmes ont le privilège de faire ou de faire faire ce qui permet la reconnaissance extérieure du détenteur du pouvoir.
Dans les milieux aristocratiques de Chiusi, à l'aube du cinquième siècle, l'activité textile apparaît encore comme la valeur féminine par excellence puisque ce qui semble être l'éloge funèbre rendu par les femmes comporte cette exposition des étoffes, et la filature et le tissage de certains vêtements spécifiques demeure l'apanage des femmes des clans qui détiennent le pouvoir.
A dire vrai ces femmes assemblées autour des étoffes produites sous les ordres de la défunte, évoquent à nos yeux une organisation sociale du haut archaïsme ou de l'époque orientalisante, non un noyau familial réduit comparable à ceux que nous montrent au même moment les nécropoles de Tarquinia ou de Caere. Chiusi et sa région continuent par ce rite de l'éloge de la fileuse et de la tisseuse à honorer la mémoire d'un défunte, mais dans d'autres villes étrusques il y a plus d'un siècle qu'on ne retrouve plus dans les tombes ni quenouille, ni fusaiolle, ni bobine !
La derniere allusion à la fonction valorisante de la fileuse se trouve sur un miroir [10] conservé à Copenhague. Les attitudes autant que les attributs, y évoquent d'autres conventions. Le geste amoureux de la femme qui caresse le menton de son mari [11], le fruit que l'homme offre à la femme, l'enfant debout derrière le couple, renvoient à une organisation familiale différente : celle de la famille au sens étroit, dont témoignent de leur côté les sépultures contemporaines.
Les scènes que nous avons observées à Chiusi et dans la Val di Chiana ne sont plus attestées après le second quart du Véme s. Certes, les documents figurés font généralement défaut pour la seconde partie du siècle et sont guère plus nombreux durant la première moitié du siècle suivant. Tout se passe comme si les rites dont nous avons cru trouver la trace n'étaient plus partiqués, ou du moins plus représentés.
Les allusions au travail textile semblent absentes, beaucoup plus tôt, à partir du milieu du VIéme s, dans d'autres cités étrusques. On peut observer qu'à Vulci, à Tarquinia, à Caere, et peut-être plus encore dans la cité mixte de Spina, bientôt à Volterra et à Volsinies, ce sont d'autres emblèmes féminins qui incarnent les valeurs des dames de l'aristocratie. L'éventail et le miroir attributs de l'élégance, les livres déroulés [12] et les tablettes inscrites [13], indice de culture ou de fortune terrienne, et bientôt les enfants, référence à la fonction maternelle devenue dominante, se substituent à la quenouille et aux fuseaux.
En Italie méridionale, le même phénomène se reproduit avec encore un peu plus de retard, et les servantes de la défunte qui dans le cortège funèbre portaient la quenouille et les fuseaux, finissent à l'aube du IIIéme s. par apporter l'éventail !
La région de Chiusi, dont nous connaissons par ailleurs le caractère rural et où nous avons observé dans une sorte de "non cité" [14] la permanence de structures gentilices, semble avoir gardé longtemps comme symbole des valeurs aristocratiques féminines, les références à une fonction économique très ancienne dont la survie implique l'existence un cadre social attardé. L'éloge de la défunte, régnant sur le travail domestique du textile, ne pouvait manquer d'avoir un caractère très conservateur, et le seul fait que tant de familles aient souhaité qu'il fut représenté, nous paraît un indice significatif de la permanence locale des valeurs de l'archaïsme.
J. R. Jannot
[1] Par commodité, nous renvoyons tout au long de cette étude aux références de notre publication: Les reliefs archaiques de Chiusi, Rome, 1984. B,III,4. B,III,6. C,II,14. C,II,15. C,II,30. C,II,34. C,II,35. C,III,3. C,III,19. D,II,8. D,II,12.
[2] En dernier lieu, S.Haynes, Etruscan Civilization, Los Angeles 2000. p 248.
[3] Munich, D,II,12.
[4] Pérouse, B,III,6. Rome Barracco, C,III,3. Palerme, D,II,8. Munich, D,II,12.
[5] Mus. Arch.Naz. 86744. B,III,4.
[6] Verucchio Mus Arch. Principi Etruschi (Catalogue) Bologne,2000, p.274.
[7] Bologne Mus.Civ.Archeologico, C.Morigi Govi, Il Tintinabulo della tomba degli ori, ArchClass.23,1971,p.21-46.
[8] M.I.Finley, Le monde d'Ulysse.1972, p.124.
[9] Cette toge "ondulée" Pline NH.VIII,194. n'est-elle pas tous simplement la trabea ( c'est à dire un vêtement "rayé" que nous interprétons à tort comme un vêtement "à rayures" ?)T.L., I, 41.
[10] ES V,149. Corpus Speculorum Etr. Denmark, 1981, p.123, 26b.A.Rallo, Fonti, in Le Donne in Etruria (A Rallo edit.)p 17.
[11] Même geste sur un relief clusien d'Oxford (Ash.Mus.1933-1946. C'23) et à la tombe "dei vasi dipinti".
[12] Tarquinia, T.del Biclinio, milieu du IV°s.
[13] Sur les urnes volterrannes. . M.Cristofani, Urne Volterrane ,Florence 1977.
[14] B.D'Agostino, La Non città di Chiusi, ,in Venticinque secoli dopo L’invenzione della Democratia, Paestum, 1997. p 125 sq.
1.
Les sarcophages peints retrouvés dans les tombes de Tarquinia constituent des documents de première importance pour retracer lhistoire de la peinture étrusque au IVe siècle et notamment pour comprendre la manière dont les artistes étrusques se sont approprié des techniques picturales et des motifs iconographiques nouveaux. Le sarcophage du Prêtre revêt à cet égard une valeur particulière, dans la mesure où il témoigne des innovations stylistiques aussi bien quiconographiques apparues au tournant de la période classique et de lépoque hellénistique. Mais létude de son décor peint a longtemps souffert du mauvais état de conservation des peintures état quest venu encore aggraver une restauration malencontreuse menée peu après sa découverte, à la fin du XIXe siècle - et ce nest quau début des années 1980 que Horst Blanck a donné une véritable lecture densemble, précise et détaillée, des scènes peintes qui ornent les quatre côtés de la caisse [1], lecture qui remplaçait avantageusement lancienne description de Gustave Koerte [2]. Cependant le savant allemand était le premier à reconnaître que ses observations navaient été rendues possibles que par un expédient (en faisant ressortir les couleurs à laide deau distillée) et que seule une véritable restauration, qui débarrasserait la couche picturale des incrustations la recouvrant encore, permettrait une analyse plus fine [3]. Or cette restauration a été menée à bien peu dannées après par la Surintendance archéologique [4] et lintervention chirurgicale (à la « punta del bisturi » [5]) effectuée par les restaurateurs a effectivement permis disoler de nouvelles surfaces de couleur et notamment des motifs décoratifs inédits : résultats qui ne peuvent quencourager à réexaminer attentivement le monument.
Un réexamen complet, iconographique et stylistique, apparaît dautant plus souhaitable que, abstraction faite des difficultés matérielles de déchiffrement du décor peint, les analyses successives du sarcophage ont tendu à privilégier des aspects singuliers du monument, au détriment dun jugement sur ce qui pouvait en faire lunité. Il est indéniable que la nature a priori composite du monument un sarcophage en marbre de Paros, destiné à lorigine au marché punique et illustré de peintures étrusques reprenant des motifs grecs et italiques a favorisé une tendance à isoler des caractères particuliers [6]. Les mises au point successives se sont ainsi concentrées sur les aspects de production et de commerce du sarcophage [7] et, pour ce qui est des peintures, sur les deux motifs de lamazonomachie [8] et du sacrifice des prisonniers troyens par Achille, avec une nette prédilection pour ce dernier [9]. Rares ont été les contributions qui ont tenté de se mesurer à la complexité du monument et de rendre compte de lintrication de ces inspirations différentes [10].
Pour autant, avouons demblée que nous nambitionnons pas ici de donner une analyse densemble du monument. Au contraire, à notre tour, nous nous limiterons à étudier un des aspects particuliers des peintures, celui des figures de démons. Le choix de cette approche restreinte, en contradiction apparente avec ce que nous venons de dire, se verra justifiée de deux manières : tout dabord par le constat, de tradition mais qui simpose néanmoins dans le cas présent, que ce motif a été relativement négligé au cours des lectures successives et que, parmi les différentes facettes du monument, celle-ci réserve peut-être encore quelques enseignements ou du moins quelques précisions dordre iconographique. Ensuite, par lidée que ces figures de démons ont été laissées de côté pour de mauvaises raisons et que loin dêtre gratuites, contingentes ou superfétatoires comme on la dit, elles constituent un élément fondamental du décor du sarcophage et en conditionnent la lecture.
2.
Reconstitution du décor du sarcophage du Prêtre, daprès Blanck 1982.
La première constatation que lon peut faire est que les démons ne relèvent pas tous dun même type : si létat de conservation ne permet pas de pousser la comparaison aussi loin quon le voudrait, on peut du moins distinguer, parmi les figures identifiables, les démons ailés figurant dans les scènes damazonomachie - cest-à-dire les démons (1), (2) et (4) - du démon (6), aptère, tourné vers la scène du sacrifice. Il est cependant difficile de juger si cette distinction correspond à une différence didentité, de fonction ou daction (les premiers ont déjà saisi les morts, tandis que lautre est encore loin des prisonniers). Les quelques autres éléments signifiants que lon peut discerner, comme les traits du visage et les chevelures, ne font que renforcer ce constat de diversité iconographique à lintérieur du décor.
La tombe des Démons bleus déjà montrait que des types différents pouvaient coexister à lintérieur dune même scène et on retrouve encore exprimée cette pluralité des figures dans la tombe des Charons [15], dont les peintures légendées font du décor une véritable galerie de portraits des différents démons de Tarquinia dans la première moitié du IIIe siècle. Ces deux monuments de Tarquinia, qui comptent parmi les plus riches du point de vue des images de démons, peuvent fournir des points de comparaison utiles pour mieux situer la place du sarcophage du Prêtre dans lévolution de cette iconographie. Il faut dabord noter que ces trois monuments se distinguent nettement par le fonctionnement iconographique et le rôle dévolu aux démons, et peuvent nous servir à esquisser une première typologie des représentations, au sein de laquelle le sarcophage se retrouve relativement isolé. Dans la tombe du Ve siècle, les démons participent à une scène purement funéraire de voyage dans lau-delà, en accompagnement de la défunte : ce sera le modèles le plus suivi, sous des formes plus ou moins simplifiées jusquaux dernières tombes peintes. Dans la tombe des Charons, ils sont exhibés seuls, en gardien de la porte, accompagnés dinscriptions qui insistent sur leur identité ; cette fonction de ianitores est la leur dans plusieurs autres monuments, de la première chambre de la tombe de lOgre à la tombe des Aninas notamment. En revanche, sur le sarcophage du Prêtre, les démons sont intégrés à des scènes mythologiques, suivant un mode particulier sur lequel nous reviendrons plus loin : cest là un schéma plus original, quon ne retrouve guère à Tarquinia que dans la seconde chambre de la tombe de lOgre, sous la forme cependant différente dun enfer grec.
Du point de vue plus strictement iconographique, les démons qui font leur apparition dans la tombe des Démons bleus et celle des Charons permettent surtout de préciser les types auxquels appartiennent les différents démons du sarcophage, qui occupe chronologiquement une place intermédiaire. On ne peut ainsi manquer de noter les affinités existant entre le démon assis de la tombe des Démons bleus et le démon (6) : même incarnat bleu, et surtout même chevelure blonde ramenée vers larrière, même insistance sur le regard, même idée de geste menaçant de la main en dépit des différences dattitudes et dattributs ces deux démons appartiennent au même type iconographique ; en revanche, la barbe et le nez crochu rapprochent davantage le démon du Charun de la première chambre de la Tombe de lOgre [16] : le démon (6) témoigne déjà ainsi dune certaine contamination des types iconographiques. A linverse, les démons (1) et (2) se rapprochent davantage des figures encadrant la première porte dans la tombe des Charons [17], même si leurs caractéristiques sont moins clairement visibles et surtout plus communes : ils ont en commun les ailes, semble-t-il le même visage aux traits marqués et surtout le même double serpent dans la chevelure. Cest ce type de démon que lon retrouvera le plus souvent par la suite, ses caractéristiques physiques correspondant mieux aussi à la tendance plus graphique que chromatique qui caractérise la dernière peinture tarquinienne [18].
3.
Par leur nombre et par leur intérêt iconographique, les démons sont loin dêtre des figures négligeables au sein du décor peint ; létude de leur rôle au sein de la composition densemble ne fait que renforcer ce constat. On retrouve en effet les démons sur chacun des quatre côtés du sarcophage : deux (peut-être trois ?) sur le long côté principal, sans doute un sur chaque petit côté, trois sur le long côté de lamazonomachie. En outre, les figures ne sont certainement pas disposées au hasard, même si les incertitudes de lecture ne permettent pas de retrouver lintégralité du dispositif dorigine. Il faut ainsi noter linsistance sur les angles et les limites : les démons (3), (5) et peut-être (8) occupent lextrémité des longs côtés ; le démon (6) est aux marges de la scène de sacrifice ; le démon (4) est lui aussi disposé au bord de limage, sur le petit côté : il est possible, comme nous lavons dit, que le démon (9), sur le petit côté opposé, vienne renforcer le parallélisme. Surtout, on ne peut manquer dêtre frappé par la disposition symétrique des deux démons (1) et (2) au centre du long côté : symétrie de position, chaque démon étant tourné vers lextérieur, en figures adossées qui dynamisent la scène et orientent la lecture ; symétrie de couleur aussi, les ailes et les vêtements adoptant des teintes opposées, vêtement rouge-orangé et ailes claires pour le démon de gauche, ailes rouges-orangées et vêtement clair pour celui de droite. Cet exemple suffirait à prouver combien la composition de limage a été étudiée [19] et combien les démons, loin dêtre plaqués, ont été harmonieusement intégrés au décor.
Mais comment faut-il comprendre cette intégration ? Au-delà de ces quelques remarques formelles, peut-on retrouver un véritable principe dorganisation de ces figures ? La plupart des commentateurs ne se sont guère posé la question, estimant par une sorte de lecture a priori que les démons ne constituaient pas un élément primordial des peintures, mais un simple ajout venant sinsérer, plus ou moins adroitement, au sein de différentes scènes pré-existantes. Il est dailleurs significatif de noter que le peu dintérêt porté à ces figures répond au peu dintérêt porté à la composition densemble des peintures. Ce double désintérêt est compréhensible, dans la mesure où les analyses se sont avant tout portées sur les scènes prises isolément : dun côté lamazonomachie, de lautre le sacrifice des prisonniers troyens. Comme ces analyses ont surtout procédé par comparaison avec dautres scènes où les démons nétaient pas toujours présents, ces derniers nont pas été pris en compte. Cest vrai de lamazonomachie : la comparaison avec le sarcophage des Amazones, qui ne présente pas de démons, na pas incité à prendre ces figures en considération. Mais cela se vérifie plus encore de la scène du sacrifice des prisonniers troyens, pour laquelle existe une longue tradition détudes comparatives : les démons ne figurant pas toujours dans les différentes représentations comparables que lon peut connaître dans les milieux étrusque et italique, il convenait dès lors, pour retrouver la matrice grecque, lUrbild, denlever cet ajout étrusque. La scène centrale du sarcophage du Prêtre a subi à cet égard un traitement semblable à celui de la fresque de la tombe François de Vulci, où les démons ont souvent été chassés de limage [20]. Or Agnès Rouveret a bien montré, à propos de la tombe François, que mettre entre parenthèses les figures de Charun et de Vanth pour ne considérer que le modèle grec ou italique épuré revient à sous-estimer la part de réécriture étrusque du motif. Lapparition des démons au sein de cette scène du sacrifice nest pas gratuite ni ne peut être ramenée à un simple « travestimento » [21] étrusque du motif ; elle constitue au contraire un élément fondamental de réappropriation de limage par les commanditaires et les artistes étrusques [22]. Cette analyse nous semble sappliquer parfaitement au sarcophage du Prêtre : elle nous invite en tout cas à prendre au sérieux la disposition des démons au sein des différentes scènes et à considérer plus attentivement leur fonction au sein de ce dispositif complexe.
Il nous faut commencer par rappeler que tous les démons se placent à larrière-plan, derrière les guerriers ou les Amazones quils vont emmener. Leffet de profondeur qui résulte de cette disposition nous semble dautant plus important et significatif quil est pratiquement unique. Comme le souligne Horst Blanck, il arrive de voir apparaître les démons à larrière-plan, comme sur le sarcophage des Amazones de Vulci, mais sans quils interviennent [23]. On sera dès lors dautant plus attentif au parallèle offert par le skyphos conservé à Boston [24]. On y retrouve, placé au centre de la scène, le même type de démon que les démons (1) et (2), dans la même attitude, à larrière-plan : en vol, il est placé un peu plus haut que les autres figures, de la même manière que sur le sarcophage les démons dominent de larrière-plan les morts qui seffondrent. La différence est quon est peut-être ici au terme du voyage, le démon semblant déposer le défunt (quon voit mis à mort sur lautre face du vase) près de sa femme, et les dominant tous deux de ses grandes ailes. Cet effet de profondeur suggère donc une ouverture sur lespace où les démons vont prendre leur vol et conduire les défunts (limportance accordée aux ailes ne peut que renforcer cette impression). Mais cette apparition régulière des démons à larrière-plan contribue surtout à unifier ce fond et à lui donner une dimension proprement étrusque. En ce sens, nous pouvons déjà parler, sur le plan formel, de réécriture des motifs par les démons. La comparaison du sarcophage des Amazones et du sarcophage du Prêtre est à cet égard éloquente : alors que dans le premier cas limage parle grec [25] mais se voit étonnamment entaillée dune longue inscription qui revendique la propriété de la défunte étrusque [26], dans le second monument cest le motif de la lutte entre Grecs et Amazones qui vient sinscrire sur ce fond étrusque créé par les démons qui surgissent de larrière-plan et ponctuent le décor.
Toutefois, loriginalité du décor du sarcophage du Prêtre est de juxtaposer deux scènes différentes, et cette particularité impose de comprendre comment la réécriture sapplique à lensemble du décor. Ainsi, sil est vrai que les démons sont disposés sur les quatre côtés du sarcophage, on ne peut manquer dêtre frappé par leur absence au sein de la scène de sacrifice des prisonniers, si lon excepte la figure marginale du démon (6) : tous les autres démons se retrouvent dans la longue frise de lamazonomachie. Sans aucun doute, la scène de sacrifice est ainsi mise en avant et cest elle qui prime : comme nous lavons dit, elle occupe le côté principal du sarcophage. Cependant, ce que nous disions du fond étrusque mis en place par les démons nous semble fonctionner là aussi, à bien regarder la place occupée par ce démon (6) : il participe à la scène de sacrifice, comme lindiquent son attitude, son regard et sa main dressée, et en même temps, comme les autres démons, il se détache encore de larrière-plan de lamazonomachie, puisquil est dissimulé en partie par la figure de la dernière Amazone. Par sa position stratégique, il constitue une véritable figure-charnière entre les deux scènes. En ce sens, sa fonction nest pas dissociable de celle des autres démons, qui servent de liant à lensemble du décor peint et permettent darticuler deux scènes aussi différentes que lamazonomachie et la geste dAchille : les démons nappartiennent donc en réalité ni à lune ni à lautre scène, mais constituent un véritable fond commun aux deux représentations.
On sait que le diable, étymologiquement et théologiquement, est celui qui divise et désunit ; le sarcophage du Prêtre nous montre que les démons étrusques, iconographiquement, unissent et relient. Religieusement aussi ? Il est bien évidemment tentant dattribuer aux démons du sarcophage un rôle de cet ordre, même si les éléments manquent pour aller très loin dans cette interprétation. On peut du moins constater quils assument une fonction précise dunification thématique, qui va au-delà de la simple « tonalité » funéraire quon leur assigne généralement : celle dinclure dans une même dimension religieuse étrusque deux scènes qui participent dun registre différent, le sacrifice des prisonniers troyens renvoyant à une référence littéraire et à un passé mythique précis, lamazonomachie reprenant elle un thème mythologique beaucoup plus générique et diffus [27]. Les démons ne semparent donc pas seulement des guerriers et des prisonniers mis à mort : ils attirent à eux, dans cet arrière-plan étrusque, des figures nouvelles ou étrangères quils combinent et font leurs [28]. Fidèles en cela à leur nature démonique (plutôt que démoniaque), ils apparaissent bien, dès cette époque, comme le médium par excellence de la peinture funéraire étrusque.
L. Haumesser
Bibliographie :
Blanck 1982
H. Blanck, « Die Malereien des sogennnanten Priester-Sarkofages in Tarquinia », Miscellanea archeologica Tobias Dohrn dedicata (Archeologica 26), Rome, 1982, pp. 11-28, pl. 1-12.
Blanck 1985
H. Blanck, « Le pitture del « Sarcofago del Sacerdote » nel Museo nazionale di Tarquinia », dans Ricerche di pittura ellenistica. Lettura e interpretazione della produzione pittorica dal IV secolo a.C. allellenismo, Rome, 1985, pp. 79-84 (à lorigine dans Dialoghi di archeologia, s. III, 1983, 2, pp. 79-84).
Cataldi 1988
M. Cataldi, I sarcofagi etruschi delle famiglie Partunu, Camna e Pulena, Tarquinia, 1988.
Colonna 1985
G. Colonna, « Per una cronologia della pittura etrusca di età ellenistica », dans Ricerche di pittura ellenistica. Lettura e interpretazione della produzione pittorica dal IV secolo a.C. allellenismo, Rome, 1985, pp. 139-162 (à lorigine dans Dialoghi di archeologia, s. III, 1984,1, pp. 1-24).
Koerte 1877
G. Koerte, « Le pitture del sarcofago tarquiniese detto del sacerdote », dans BullInst, 1877, pp. 100-107.
Rouveret 2002
A. Rouveret, « Figurer le corps ennemi : quelques remarques sur le thème du sacrifice des prisonniers troyens dans lart funéraire étrusque et italique au IVe siècle av. J.-C. », dans C. Müller Fr. Prost éd., Identités et cultures dans le monde méditerranéen antique, Paris, 2002, pp. 345-366.
Steingräber 1985
S. Steingräber, Catalogo ragionato della pittura etrusca, Milan, 1985.
[1] Blanck 1982 ; résumé Blanck 1985.
[2] Koerte 1877.
[3] Blanck 1985, p. 80.
[4] Cataldi 1988, p. 8, fig. 6-7 pour le sarcophage ; note de C. Bettini (« Il restauro del sarcofago del Sacerdote »), pp. 17-18, fig. 19-20 pour les travaux de restauration ; M. Cataldi, Tarquinia, Rome, 1993, p. 109, fig. 149-150. Sur la triple inscription portée sur le sarcophage (laris partunius) : CIE I, I,3, n° 5422a, b, c ; H. Rix, Etruskische Texte, Tübingen, 1991, Ta 1.10, 1.11, 1.12.
[5] C. Bettini, op. cit., p. 18.
[6] On notera ainsi que la dernière sortie publique du sarcophage, lors de la grande exposition au Palazzo Grassi a été également marquée par cette tendance au découpage, puisque seul le couvercle a fait le voyage de Tarquinia à Venise : cf. M. Torelli éd., Gli Etruschi, p. 233, p. 627, n°293 (notice de C. Zaccagnino).
[7] M. Martelli, « Un aspetto del commercio di manufatti artistici nel IV secolo a.C. : I sarcofagi in marmo », dans Prospettiva, 3, 1975, pp. 9-17, pp. 12-13, avec bibliographie.
[8] G. Camporeale, « Lamazonomachia in Etruria », dans SE, 27, 1959, p. 107-137, pp. 116-118 ; P. Bocci, « Il sarcofago tarquiniese delle Amazzoni al Museo Archeologico di Firenze », dans SE, 28, 1960, pp. 109-125, pp. 119-121 ; E. Mavleev, LIMC, s.v. « Amazones etruscae », n°31.
[9] En dernier lieu, Rouveret 2002, avec bibliographie.
[10] Il sest alors agi dune lecture de type politique, mettant en avant les liens entre Tarquinia et Carthage : F.-H. Massa-Pairault, Iconologia e politica nellItalia antica. Roma, Lazio, Etruria dal VII al I secolo a.C., Milan, 1992, pp. 130-133, fig. 112-113 ; eadem, La cité des Etrusques, Paris, 1996, p. 190 ; M. Torelli, « Riflessi in Etruria del mondo fenicio e greco dOriente », dans Magna Grecia Etruschi Fenici (Atti del trentatreesimo convegno di studi sulla Magna Grecia, Tarento, 8-13 ottobre 1993), Tarente, 1994, pp. 295-319, p. 306, pl. XIV,1.
[11] Un certain nombre détudes portant sur les représentations de démons ont bien entendu pris en compte le sarcophage du Prêtre, sans cependant analyser en détail lensemble des figures présentes, le plus souvent du fait des mauvaises conditions de conservation : O. Waser, Charon, Charus, Charos, Berlin, 1898, p. 134, n°14 ; F. de Ruyt, Charun. Démon étrusque de la mort (Etudes de philologie, darchéologie et dhistoire anciennes publiées par lInstitut historique belge de Rome, tome I), Rome, 1934, pp. 23-24, n° 5 ; E. Mavleev - I. Krauskopf , LIMC, s.v. « Charu(n) », n°35, n°38 ; en dernier lieu F. Sacchetti, « Charu(n) nella pittura funeraria etrusca », dans Ocnus, 8, 2000, pp. 127-164, pp. 131-132, n°8 a,b,c, pl. I,4, II, 1-2.
[12] Le démons (8) est restitué par symétrie avec le démon (5) les deux groupes amazone-grec se répondant très clairement. Quant au démon (9), une faible trace semble attester sa présence ; mais là aussi, la position du grec tué et la symétrie avec la scène de lautre petit côté rendent cette restitution très probable. Quant à la figure (7), nous y voyons une figure masculine (Agamemnon ? Cf. Koerte 1877 et Cataldi 1988) et non un démon féminin, comme le voudrait Blanck 1982.
[13] M. Cataldi, « La tomba dei Demoni Azzuri », dans M. Bonghi Jovino C. Chiaramonte Treré éd., Tarquinia. Ricerche, scavi e prospettive, Milan, 1987, pp. 37-42 ; eadem, « Tomba dei Demoni Azzuri », dans Pittura etrusca al Museo di Villa Giulia, Rome, 1989, pp. 150-153. Cf. F. Roncalli, « Iconographie funéraire et topographie de lau-delà en Etrurie », dans F. Gaultier D. Briquel éd., Les Etrusques, les plus religieux des hommes. Etat de la recherche sur la religion étrusque (Actes du colloque international, Galeries nationales du Grand Palais, 17-18-19 novembre 1992), Paris, 1997, pp. 37-54, pp. 37-43 ; M. Rendeli, « Anagoghe », dans Prospettiva, 83-84, juillet-octobre 1996, pp. 10-29, notamment pp. 16-21.
[14] Sur ce point, G. Colonna, « Divinités peu connues du panthéon étrusque », dans F. Gaultier D. Briquel éd., Les Etrusques, les plus religieux des hommes, pp. 167-184, p. 172.
[15] M. Moretti, Nuovi monumenti della pittura etrusca, pp. 299-305 ; Colonna 1985, pp. 149-150 ; Steingräber 1985, pp. 305-306, pl. 62-63 ; Pittura etrusca al Museo di Villa Giulia, cit., pp. 170-171, fig. 129. Les démons ont été étudiés par J.-R. Jannot, « Charun, Tuchulcha et les autres », dans MDAI(R), 100, 1993, pp. 59-81, notamment pp. 63-64.
[16] Steingräber 1985, pl. 128.
[17] M. Moretti, Nuovi monumenti della pittura etrusca, pp. 299-305, p. 302 ; Steingräber 1985, pl. 62.
[18] Sur ce point, voir Colonna 1985, p. 144 et F. Gilotta, « Considerazioni su alcuni problemi di pittura etrusca ellenistica », dans MDAI(R), 107, 2000, pp. 177-190.
[19] On pourrait bien entendu en dire autant de lensemble de la composition : il faut noter ainsi la manière dont les deux corps assis aux deux extrémités répondent au Troyen égorgé par Achille au centre de limage.
[20] Cf. Blanck 1982, p. 24 ; F. Coarelli, « Le pitture della tomba François a Vulci : una proposta di lettura », dans Dialoghi di archeologia, s. III, 1983, 2, pp. 43-69, repris Ricerche di pittura ellenistica, pp. 43-69, pp. 52-53, fig. 5-6 ; F. Roncalli, « La decorazione pittorica », dans F. Buranelli éd., La Tomba François di Vulci, Rome, 1987, pp. 79-110, pp. 88-89, fig. 4.
[21] A. Maggiani éd., Artigianato etrusco. LEtruria settentrionale interna in età ellenistica, Milan, 1985, p. 212.
[22] Rouveret 2002, pp. 357-358.
[23] Blanck 1982, p. 20.
[24] J.M. Padgett, M. B. Comstack et alii, Vase-painting in Italy, Red-Figure and Related Works in the Museum of Fine Arts, Boston, Boston, 1993, pp. 257-260, avec bibliographie.
[25] Avec il est vrai quelques intonations étrusques, comme la tenue des Amazones (P. Bocci, op. cit., p. 120) pour laquelle on peut cette fois parler de « travestimento » étrusque du motif.
[26] Linscription sur la caisse du sarcophage des Amazones (CIE II, 5451b ; TLE 122b ; ET, Ta 1.51) na pas reçu dexplication satisfaisante. Sans préjuger de la motivation véritable du geste étrusque, nous reprendrions volontiers le jugement exprimé (R. Bianchi Bandinelli A. Giuliano, Etruschi e Italici prima del dominio di Roma, p. 270, fig. 308 ) sur lusage « barbare » des peintures de la part du propriétaire étrusque barbare au sens propre, de quelquun qui écorche le grec.
[27] Il faudrait cependant, pour aller plus loin, pouvoir comprendre le sens exact de cette association, commandée par les démons, entre le sacrifice fait par Achille et lamazonomachie. Une telle analyse passera nécessairement par létude du monument qui, structurellement et iconographiquement, se rapproche le plus du sarcophage du Prêtre, à savoir le cratère de la Bibliothèque Nationale : J. D. Beazley, Etruscan Vase-Painting, Oxford, 1947, p. 136, 1, pl. XXXI, 1-2 ; M. Cristofani éd., La ceramica degli Etruschi, Novara, 1987, pp. 226-227, p. 327, n°174 ; LIMC, s.v. « Aivas », n°65 ; sur les inscriptions et le sens de « hinthial », voir G. Colonna, dans SE, 48, 1980, pp. 174-179. Là aussi, et lanalyse menée sur le décor du sarcophage ne peut que nous y rendre sensible, les deux figures de Charun (quon retrouve de part et dautre du vase et qui sont clairement identifiés par une inscription) permettent de lier deux motifs différents : celui du sacrifice dun prisonnier accompli cette fois par Ajax dun côté, et les figures dAmazones de lautre.
[28] Parmi les motifs que lintervention des démons contribue à modifier, citons notamment lexemple des cortèges, avec la reprise dune iconographie civile et son inflexion vers le domaine funéraire : M. Cristofani, La Tomba del Tifone. Cultura e Società di Tarquinia in età tardoetrusca, dans Atti dellAccademia Nazionale dei Lincei, serie 8. Memorie della Classe di Scienze morali e storiche, XIV, 4, 1969, p. 213 sq., pp. 230-232 ; idem, La Tomba del Tifone. Monumenti della Pittura Antica scoperti in Italia, section I, fascicule V, Rome, 1971, pp. 27-32. Il reste à approfondir également le rôle des démons étrusques dans le domaine religieux et dans la mise en place dune imagerie complexe (nous pensons notamment au rôle des démons dans les images relevant de la sphère dionysiaque) : rappelons à cet égard le travail exemplaire de Luca Cerchiai, « Daimones e Caronte sulle stele felsinee », dans La Parola del Passato, 50, fasc. 3-4 (282-285), 1995, pp. 376-394.
Introduction
ICAR (IConographie-ARchéologie) est une base de données informatisée des scènes figurées de lart étrusque et italique, diffusée gratuitement sur Internet. Son nom indique quil sagit dun programme détude iconographique qui tient compte du contexte archéologique des images. Lenvergure de la base est immense, mais elle a aussi sa propre cohérence qui repose sur une unité géographique et chronologique : toutes les scènes envisagées dans la base proviennent de lItalie et sont datées davant lépoque romaine, cest-à-dire du VIIIe siècle avant J.-C. jusquau début de lépoque hellénistique [1]. Lobjectif est comparatiste : la base doit permettre de comparer des scènes dépoques différentes et élaborées dans des cultures différentes [2]. Devant lampleur de la tâche, il est nécessaire de procéder en traitant des ensembles documentaires clos, afin que lutilisateur de la base sache ce quil peut sattendre à y trouver.
1. Historique et générique
La création de cette base de données est née dune réflexion plus générale sur limage menée par le groupe Image et Religion. Ce groupe de recherche, formé à lÉcole française de Rome en 1999, se réunit régulièrement, à loccasion de séminaires et de colloques internationaux, pour confronter différentes approches scientifiques comme lAnthropologie et lHistoire des Religions, lHistoire de lArt, lIconographie ou lArchéologie, dans une étude des images de lAntiquité classique [3]. Associé à une réflexion méthodologique et historiographique sur les modes de lecture de limage antique, ce programme repose aussi sur lélaboration dune base de données iconographique sur les mondes étrusques, italiques et italiotes, selon une perspective qui dépasse les seules images à contenu « religieux ». La base reprend lapproche comparatiste qui est celle du programme Image et Religion, ainsi que son orientation archéologique et historiographique. La création dune banque informatique comparable à ce qui existe déjà pour les textes antiques ou même pour les images de lAntiquité classique, comme la base des vases attiques des Archives Beazley dOxford [4], est apparue comme de première nécessité pour liconographie de lItalie préromaine. En effet, les études diconographie ont besoin des mêmes outils informatiques qui sont en usage dans les autres domaines de la recherche historique. En outre, il semble tout à fait souhaitable aujourdhui dutiliser les possibilités que nous offre lInternet pour réunir une information qui est souvent difficile à atteindre et à rassembler. Il paraît important, dautre part, que des compatibilités dinterrogation soient possibles avec les autres bases de données existantes ou en élaboration, avec lesquelles il faudrait établir des liens.
ICAR existe depuis 2001. C'est un programme conçu et dirigé par Natacha Lubtchansky, Maître de Conférence en Histoire de l'Art et Archéologie à l'Université de Tours. Il se développe dans le cadre des activités de l'équipe ESPRI, dirigée par Agnès Rouveret, de l'UMR 7041, à la Maison René-Ginouvès de Nanterre, avec la collaboration de l'École française de Rome et de l'Institut national d'Histoire de l'Art. La première phase, financée par une ACI Jeunes Chercheurs du Ministère de la Recherche, a consisté en l'élaboration de la structure de la base et dans le traitement d'un premier corpus, la peinture funéraire étrusque. L'équipe a été composée d'un informaticien, Sylvain Mottet (CNRS-Université de Paris V), et d'une rédactrice et documentaliste, Annick Fenet (ESPRI-UMR 7041), assistée de Laurent Haumesser (ESPRI-UMR 7041) et Ludi Chazalon (Aix-en-Provence).
2. Conception et orientation
ICAR rassemble une documentation iconographique et archéologique :
La bibliographie de chaque scène et de chaque support (objet) est donc bien sûr donnée dans la base, mais la spécificité dICAR est de proposer une bibliographie analytique. Linformation fournie par chaque référence bibliographique est répartie dans les différents champs de la base, et dans le cas de linterprétation iconographique de la scène, un résumé de louvrage ou article est proposé. En outre, la base ne consigne pas le résultat de recherches non publiées. De sorte que nous ne donnons pas de nouvelles interprétations, nous nous gardons de commenter celles qui sont publiées et nous essayons de livrer une information aussi objective que possible [5]. Ainsi, plusieurs champs peuvent apparaître vides dans la mesure où aucune étude na apporté dinformation sur le point en question.
3. Contenu
Nous avons essayé dans un premier temps de distinguer, dans linformation livrée sur la scène figurée et lobjet archéologique, les faits des interprétations. Mais cette exigence sest vite avérée impossible. En effet, établir ce qui constitue la scène figurée relève déjà de linterprétation : ce que nous définissons comme une scène, varie dune époque à lautre, comme la bien montré A. Rouveret [6]. On ne peut, par exemple, individualiser les différentes scènes de jeux de la même façon dans la Tombe des Augures et dans la Tombe des Biges de Tarquinia.
Dans létablissement de la description nous avons choisi dintroduire le moins dinterprétation possible : ainsi nous nidentifions pas « Héraclès » mais « un homme avec une peau de lion et une massue ». La description est rédigée et elle utilise un même sens de lecture (de la gauche vers la droite), un même schéma syntaxique et un vocabulaire récurrent (figure 2).
Les interprétations iconographiques proposées dans la bibliographie publiée sont résumées et nous proposons de façon abrégée quelles identifications ont été données des personnages représentés et du motif iconographique, ainsi que les valeurs (sociale, mythologique, rituelle ) attribuées à la scène (figure 3).
Une liste de mots-clés préétablie organise de façon différente linformation contenue dans la description et dans les interprétations. Ainsi, pour reprendre le même exemple, on trouvera dans la liste des mots-clés de cette scène « bâton », « Héraclès » mais aussi « Thésée », si une telle interprétation a été proposée dans la bibliographie.
En ce qui concerne les illustrations, elles sont aussi complètes que possibles : photographies en couleurs, en noir et blanc, dessins, lithographies, gravures peuvent donner des états à chaque fois très différents des scènes figurées (figure 4). Dans le cas des tombes peintes ou de supports complexes, un plan ou un croquis indiquant lemplacement de la scène est proposé. Chaque illustration est accompagnée de légendes détaillées et dinformations sur lorigine de limage.
Les autres informations concernent le support de la scène figurée : les techniques de fabrication, la datation, lattribution à un artiste ou un atelier, le site et la date de découverte (avec les informations connues sur le contexte archéologique), le lieu de conservation et, le cas échéant, lhistoire des collections auxquelles lobjet a appartenu, la mention des motifs ornementaux associés à la scène figurée. Ces données, même si elles sont moins développées que linformation iconographique, sont indispensables à létablissement dune documentation complète de la scène.
La base denregistrement utilise le logiciel File Maker Pro.
La question juridique des droits de publication des illustrations sur Internet est délicate. La nature de la diffusion nest pas commerciale puisque la consultation est gratuite. Les images sont protégées sur Internet par un filtre qui empêche quon puisse les récupérer à haute définition.
4. Linterrogation sur Internet
Ladresse du site est http://icar.huma-num.fr/. Le site a été créé sur une base SQL avec un langage PHP. Il est conçu pour être utilisé par des chercheurs en iconographie, mais aussi en archéologie ou en stylistique de lAntiquité classique, ainsi que par les étudiants, dans la mesure où il leur donne accès à tout un ensemble de données qui leur sont habituellement difficiles daccès.
Les demandes peuvent être formulées en texte libre ou, le cas échéant, grâce à des listes de mots préétablies.
Lorsque lutilisateur a eu accès à une fiche, il lui est en outre possible de « naviguer » vers dautres fiches à partir de nimporte quel critère présentant un « lien » : toute information apparaissant dans une police couleur bleue permet en effet de passer à dautres fiches « scènes » ou « support » dans la base ICAR. Par exemple, en sélectionnant une des références bibliographiques données pour la Tombe du Triclinium, L. Canina, Lantica Etruria marittima, Roma, 1846-1851 (figure 9), ICAR affichera les autres fiches que cette référence bibliographique évoque (figure 10). Dans cette même tombe, dans la liste des mots-clés de la scène de la paroi dentrée avec les deux cavaliers, figure le terme « Dioscures », dans la mesure où cest une interprétation qui a été proposée par F. Roncalli (figure 11). En sélectionnant ce mot-clé, lutilisateur pourra consulter les autres fiches des objets ou scènes pour lesquels la même identification a été suggérée dans la bibliographie (figure 12).
5. État davancement des travaux et perspectives
Afin de proposer un programme cohérent, nous traitons intégralement chaque corpus dobjets publiés. Nous avons achevé un premier ensemble, celui des tombes peintes étrusques, qui compte actuellement 182 fiches « support », 570 fiches « scène », 1075 illustrations, 433 références bibliographiques dépouillées. Ces chiffres sont sans cesse modifiés puisque la base est mise à jour au gré des publications. Le traitement dautres corpus est en projet : L. Chazalon et J.-R. Jannot traiteront les reliefs archaïques de Chiusi ; R. Benassai (Université de Santa Maria Capua Vetere) et L. Chevillat (Université de Tours), la peinture campanienne des époques classique et hellénistique ; L. Finochietti (Université de Salerne), la peinture daunienne et les stèles dauniennes ; D. Palaeothodoros (Université de Thessalie Volos), la peinture à figures noires des vases étrusques de lépoque archaïque ; D. Frère (Université de Lorient), les vases étrusco-corinthiens ; L. Haumesser (Université de Paris X-Nanterre), les sarcophages figurés étrusques. En outre, le programme ICAR servira de support pédagogique à un séminaire doctoral régulier en iconographie, proposé par lÉcole française de Rome et l'École française d'Athènes.
[1] Les critères chronologiques sont dépendants de chaque corpus étudié.
[2] Cette comparaison est souhaitable aussi avec lart grec, ibérique, etc.
[3] A paraître dans supplément BCH.
[4] Adresse électronique : http://www.beazley.ox.ac.uk.
[5] Dans le cas dune datation, dune attribution dartiste ou dune interprétation iconographique, nous navons mentionné que lauteur qui le premier a proposé lhypothèse en question, sans citer ceux qui se sont par la suite ralliés à ce point de vue.
[6] A. Rouveret, « Espace sacré, espace pictural : une hypothèse sur quelques peintures archaïques de Tarquinia », Annali dell'Istituto universitario orientale di Napoli. Sezione archeologica X, 1988, p. 203-216.
Dans le domaine de lanalyse de limage antique la première moitié du XIXe siècle est une période riche en expérimentations méthodologiques. Larchéologie naissante essaie, depuis la Renaissance, de trouver une autonomie intellectuelle par rapport à la philologie qui règne sur les sciences de lAntiquité [2]. Par rapport à cette problématique, situer Johann Joachim Winckelmann entre larchéologie et la philologie est essentiel dans la mesure où le savant prône lopposition entre le lire et le voir. Le topos nest pas nouveau et parcourt toute la Renaissance, « pour simposer face à cette puissance rivale quest la philologie, larchéologie na cessé daffirmer la dignité épistémologique de lobjet face à la toute-puissance du texte » [3]. Nous retrouvons le thème dans la tradition antiquaire [4] et la postérité retient de Winckelmann ses assauts contre la culture du texte et ses tentatives méthodologiques pour laisser au monument la plus grande autonomie possible [5]. Cependant, dans luvre de Winckelmann, le rapport au texte est plus paradoxal. Cest en effet dabord parce quil infirme, atteste ou enrichit le texte que le monument intéresse le savant. « Chez Winckelmann, il arrive assez souvent que la leçon du texte prime celle du monument » [6]. Malgré des tentatives démancipation certaines, la philologie est constamment présente dans la méthodologie danalyse du monument antique pratiquée dans le cadre lAltertumwissenschaft par les héritiers de Winckelmann. En parallèle de cette tendance, en Allemagne également, le XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle voient lémergence dun mysticisme qui, contre la philosophie des déistes et des athées, conduit à une analyse de limage symboliste. Le fondateur de cette Ecole, Georg Friedrich Creuzer, professeur à Heidelberg, montre comment la Symbolique est un « renouveau du vieux système grec de lallégorie [ ]. A une époque très reculée, les prêtres [ ] de Grèce et dAsie avaient été en possession de vérités supérieures, métaphysiques, morales et physiques ; ils les avaient enseignées sous une forme allégorique parce que lhumanité de ces âges lointains nétait pas capable de recevoir la vérité sans déguisement » [7], la doctrine étaient transmise aux initiés dans des cultes à mystères. Creuzer enseigne que le mythe est toujours communiqué dans limage sous une forme allégorique. Pour comprendre le sens de limage, il faut en analyser la valeur symbolique. En ce qui concerne les vases peints une autre raison contribue au développement de ces interprétations symboliques. Le grand nombre de cérémonies bachiques représentées sur les vases, particulièrement sur ceux provenant de lApulie et de la Basilicate et la confusion établie par les Romains entre Dionysos grec et Iacchus, compagnon de Cérès et génie des mystères, mène les savants à considérer les vases sans distinction de forme, de style ou de fabrique comme appartenant tous par leur destination à la pratique des mystères. Ils ne pouvaient être placés que dans les tombes des initiés et par conséquent les sujets dont ils sont décorés avaient plus ou moins clairement rapport avec les mystères bachiques. La grande part de subjectivité relevant de cette méthode et son manque de rigueur scientifique entraîne autour des années 1820 une réaction contre la Symbolique. Issue de la tradition philologique allemande, une méthode danalyse de limage, initiée par Karl Otfried Müller, insiste sur le caractère réaliste des mythes et « recommande détudier les mythes non seulement dans leur origine et leur développement, mais aussi dans leur variété locale. » [8] Le savant allemand insiste sur la nécessité absolue de coordonner létude de lart et de la religion à celle de la philologie [9]. Cette nouvelle méthode se développe dans le cadre de lAltertumwissenschaft, autour de savants comme Eduard Gerhard, Otto Jahn ou Emile Braun [10]. Une part importante de la lecture de limage repose sur la tradition littéraire : on établit des parallèles constants entre le texte et limage. Une analyse de limage rigoureuse passe par la référence littéraire ; on veut avoir sur limage un discours positiviste qui écarte toute subjectivité [11]. Dun point de vue méthodologique, lAltertumwissencshaft initie, dautre part, la constitution de grands corpora dimages antiques dans la lignée des grands corpora dinscriptions. On prend conscience de limportance de la mise en série dans le domaine de lanalyse de limage, ce qui permet débaucher les premières études typologiques, chronologiques, stylistiques et iconographiques. En marge de ces courants, les plus importants, quelques savants expérimentent des lectures de limage antique plus singulière. La méthode élaborée par Charles Lenormant et Théodore Panofka pour aborder les religions et les murs de lantiquité est en cela intéressante à étudier. Les documents figurés sont envisagés en se fondant sur un syncrétisme mystique. Cette démarche originale puise ses sources à la fois dans la philologie et létymologie influence de lEcole allemande et dans la tradition symboliste influence de Creuzer. Lenormant et Panofka font une synthèse des deux tendances et mettent au point un système, qui a recours à des explications mythologiques fondées sur des associations mythologiques et des glissements étymologiques [12].
« Adonis imberbe, assis sur un char, traîné par deux cygnes, a sur ses genoux Vénus entièrement nue, quil embrasse. Une draperie étoilée enveloppe le bas du corps dAdonis. En avant du char sont un satyre barbu et une nymphe nue qui sembrassent dans une attitude des plus obscènes ; une panthère saute sur les jambes du satyre. Les deux personnages de ce groupe ont des chaussures aux pieds. Bacchus-Orphée, assis sur un rocher, ayant la partie inférieure du corps couvert dune draperie étoilée, pince de la lyre. Plus loin est un Silène barbu, exprimant, par ses gestes et par sa physionomie, limpression que lui cause le groupe de la nymphe avec le satyre : cest sans doute Prosymnus ; il est muni dun thyrse ; une peau de panthère, nouée sur la poitrine, couvre ses épaules ; ses pieds sont chaussés de bassarides. » [22]
La description relève certains détails de limage, mais aucune de ces observations ne permet vraiment de suivre le cheminement des déductions de Charles Lenormant. Ainsi, sans donner au lecteur dexplication précise, il nomme les personnages de la scène : « Aphrodite » et « Adonis », assis dans le char tiré par les cygnes, « Bacchus-Orphée » sur un rocher, le satyre ithyphallique, à gauche de limage, devient « Prosymnus » et aucun nom nest attribué aux personnages du groupe central . Lauteur fait dans ce catalogue une lecture sommaire de limage. Dun point de vue méthodologique, il semble imposer au spectateur une interprétation iconographique du sujet figuré sur ce vase, en identifiant demblée les personnages. La lecture de limage sappuie plus sur une renommée dérudition que sur une démonstration scientifique. En accord avec de Witte, Lenormant rattache dans le catalogue Durand cette image à la série des représentations des amours du couple Aphrodite et Adonis.
Afin de clarifier la suite de cette étude, il est intéressant de rappeler le mythe qui constitue lenjeu du débat [24]. Il sagit dune légende syrienne attestée chez de nombreux auteurs anciens. Aphrodite, pour se venger de Myrrha, princesse syrienne qui lavait offensée, provoqua chez elle une passion incestueuse envers son père. Myrrha, transformée en arbre donna naissance à Adonis. Aphrodite le recueillit et le confia à Perséphone, qui, ce dernier devenu adulte, ne voulut pas le rendre à la déesse de la beauté. Adonis avait suscité dans le cur des deux déesses un amour qui obligea Zeus à arbitrer la querelle. Il fut décidé que le jeune homme passerait un tiers de lannée auprès dAphrodite, un tiers auprès de Perséphone et le dernier tiers auprès de celle quil choisirait. Adonis choisit Aphrodite. Les Anciens pensaient que les saisons clémentes de lannée correspondaient au bonheur des deux amants, quand lhiver représentait le temps passé par le jeune homme dans le monde souterrain. Adonis eut une mort accidentelle : pendant une chasse, il fut chargé par un sanglier. Une fête funèbre en son honneur les adonai, fut dès lors célébrée par les femmes au retour du printemps.
Le catalogue de la vente Durand circule rapidement dans lEurope savante et suscite des réactions et des commentaires. Il est important de souligner le rôle important joué par lInstitut archéologique de Rome à lépoque qui devient un grand lieu de discussions et déchanges intellectuels, par le biais de ses publications [25]. Ainsi, dans une lettre adressée à de Witte en 1844 « Sur les représentations dAdonis, en particulier dans les peintures des vases » [26], après un bilan des représentations figurées du couple Aphrodite et Adonis sur dautres supports [27], le savant allemand envisage le mythe sur les vases peints. Jahn reprend létude de cette même nochoé. Il cite en premier lieu de manière exhaustive la notice descriptive du vase, écrite par Lenormant pour le catalogue [28]. Il contredit ensuite point par point le savant français et aboutit à une autre identification du couple amoureux figuré sur le vase. Il identifie ce personnage comme Dionysos : il est très rare de voir le dieu du vin jouer de la lyre sur les vases peints, mais il se rencontre quelquefois et cela peut sexpliquer par une référence littéraire, on trouve chez Pausanias « Dionysos Melpomenos » [29]. Jahn est également daccord pour associer Orphée, en tant que fondateur des mystères bachiques, à Dionysos [30]. Cependant, ces deux remarques ne suffisent pas au savant allemand pour justifier lanalogie proposée par Lenormant entre Bacchus et Orphée. Ce recours à lanalogie, comme méthode de dénomination des personnages manque, daprès Jahn, de rigueur scientifique et lui « paraît plutôt de nature à embrouiller la question quà léclaircir. » [31] Il ne comprend pas davantage le rapprochement établi entre Bacchus ou Orphée et Adonis. Il reproche sa « courte explication » [32] au savant français et refuse la proposition de donner au jeune homme dans le char le nom dAdonis à cause de liens éventuels entre ce personnage et un Bacchus ou un Orphée, également figuré sur limage. Cette démonstration conduit finalement Jahn à remettre totalement en question linterprétation de Lenormant. La lettre se poursuit alors par sa propre analyse du sujet peint sur lnochoé. Dans la mesure où il naccepte plus didentifier le personnage masculin dans le char comme Adonis, il remet en question lidentité du personnage féminin figuré à ses côtés. Le seul attribut caractéristique dAphrodite sur cette image est le cygne. Le cygne peut cependant aussi être consacré à Apollon. Si on considère le jeune homme comme Apollon au lieu dAdonis, il ne sagirait plus sur cette nochoé étrusque dune représentation dAphrodite et Adonis, mais plutôt de celle dApollon et de la nymphe Cyrène [33]. Jahn appuie sa démonstration sur la tradition littéraire en citant un scholiaste dApollodore de Rhodes qui raconte qu « Apollon enleva celle quil aimait, la nymphe Cyrène, sur un char tiré par des cygnes, pour la transporter en Libye. » [34] Il sagit donc, sans aucun doute possible, pour le savant allemand dApollon et de Cyrène, et non dAphrodite et dAdonis. Le catalogue de la vente Durand nous donne une lecture sommaire de cette image qui fonde sa crédibilité sur une renommée dérudition. La lettre de Jahn nous offre une interprétation qui sappuie sur un savoir littéraire. Lanalyse menée par le savant allemand ne clôt pas le débat qui rebondit dans un document écrit lannée suivante.
De Witte communique à Lenormant les conclusions manuscrites de Jahn à propos de ce vase. Lenormant reprend alors, dans une lettre adressée au savant belge, datée de 1845 et publiée la même année dans les Annales de lInstitut archéologique [35], létude du vase. Lexamen de ce vase commence par une interrogation au sujet de la composition : « ce qui me frappe avant tout, cest lincohérence de la composition. Cette scène est véritablement asundetos[36] ». [37] Lenormant décrit trois « symplegmata [38] » : un couple sur un char, une jeune femme cédant à la passion dun satyre, un satyre ithyphallique associé à un personnage jouant de la lyre sur un rocher. Cette image, explique-t-il, dégage au premier regard un aspect confus qui vient de ces trois groupes distincts réunis sur la même ligne. Il attribue ensuite un sens plus symbolique à ces trois groupes : le premier est un « couple amoureux » [39], celui du milieu évoque la « même idée de manière plus grossière » [40], le dernier représente la passion « qui sallume plutôt que celle qui sassouvit » [41]. Il voudrait, en analysant cette scène, « rétablir entre les différents sujets la séparation fondamentale, et ensuite restituer, si cela est possible, la pensée qui a motivé le rapprochement. » [42] Après une description de limage dans son ensemble, lauteur passe à une identification plus précise de chaque personnage. Le couple amoureux enlacé dans le char est identifié comme Aphrodite et Adonis. Lenormant allègue plusieurs raisons qui vont dans le sens de lidentification de ce personnage féminin comme Aphrodite. La nudité de la jeune femme est un caractère qui lui semble presque toujours indiquer cette déesse. Lécharpe quelle porte serait lattribut habituel dEros hermaphrodite. Assuré, donc, du personnage dAphrodite, il identifie Adonis en arguant de « la célébrité des amours de la déesse avec ce héros. » [43] Le caractère imberbe du jeune homme convient aux critères de représentation du jeune Adonis, et son manteau étoilé marque sa « tendance céleste et astronomique » [44] qui découle dun lien avec les cycles de la nature renaissant chaque printemps, au moment où il retrouve son amante. Létape suivante, après une identification certaine du couple Aphrodite et Adonis, est détablir un lien entre les trois « symplegmata » [45] figurés sur cette image, ce qui mènera à la dénomination des autres protagonistes. Le premier groupe, celui assis dans le char, symboliserait la renaissance en général. Cette renaissance est en rapport à la fois avec les phases de la vie et de la mort, et avec les saisons de lannée. Nous retrouvons comme explication « la tendance céleste et astronomique » dAdonis, que lauteur vient de mentionner [46]. Lauteur pense que cette image figure le moment du mythe où Adonis, ayant quitté Perséphone et le monde de la mort, réapparaît à lhorizon aux côtés dAphrodite. La déesse comblée répand alors vie et fécondité sur la nature. Cette démonstration conduit au sens du couple figuré au milieu de limage. Ce deuxième symplegma représente pour Lenormant le retour de la vie à la surface de la terre « à travers une union naturelle et susceptible de fécondité. » [47] Après avoir expliqué ces deux groupes en associant le premier au monde céleste et le second au monde terrestre, lauteur sattache à expliquer lanalogie établie entre Dionysos ou Orphée et le satyre ithyphallique nommé Prosymnus, afin de donner un sens au troisième symplegma. Il remarque une aversion et une douleur chez le personnage assis sur le rocher, à la vue du couple entrelacé au milieu de limage. Cette douleur peut, daprès lui, sexpliquer par une identification du jeune homme à Orphée. Orphée, qui a aimé Eurydice, éprouverait de la nostalgie à la vue du couple central. Nous nous trouverions alors, dans cette scène, au moment du mythe qui précède la descente aux enfers dOrphée. Lanalogie sétablit avec Dionysos, parce que ce dieu a lui-même connu une descente aux enfers [48]. Lenormant reconnaît ensuite que lassociation quil fait dans le catalogue Durand entre ce personnage de « Bacchus-Orphée » et le satyre Prosymnus est plus audacieuse. Il sattache, cependant, à la justifier. La tradition littéraire atteste Prosymnus comme étant le guide de Dionysos dans son voyage aux enfers. Par contre, en ce qui concerne Orphée, la tradition mythologique est muette. Lauteur suppose quau lieu de « Prosymnus montrant à Bacchus le chemin des enfers » [49], nous voyions sur cette image « Prosymnus sur le point de montrer à Orphée le même chemin. » [50] Lanalogie de la descente aux enfers dOrphée avec celle de Dionysos est pour lui une conviction, ce qui explique et justifie la dénomination « Bacchus-Orphée ». Par rapport à lensemble de la scène ce groupe symboliserait donc le monde souterrain ou infernal, en opposition au monde céleste et au monde terrestre. Au terme de cette démonstration, limage figurée sur lnochoé du British Museum, est donc interprétée comme une représentation dAphrodite et dAdonis.
Dans le tome IV de lElite des monuments céramographiques, terminé après la mort de Lenormant, de Witte classe le vase au chapitre sur les représentations de ce couple et reprend dans son texte la notice du Catalogue Durand pour le décrire. Il renvoie cependant en notes de bas de page à la réfutation de Jahn.
Cette nochoé a été publiée plusieurs fois depuis. On doit souligner que, jusquà présent, linterprétation de Lenormant est celle qui est retenue à chaque nouvelle publication. H. B. Walters [51] en 1896, S. Reinach [52] en 1899, J.D. Beazley [53] en 1968 ont tous rattaché cette image aux figurations du mythe dAdonis. Le seul doute sur lidentification que nous avons relevé se rencontre dans le Lexicon Iconographicum Mythologicae Classicae [54], limage y est classée parmi les « représentations douteuses du mythe » [55] et larticle consacré à Adonis parle dune représentation présumée du couple Aphrodite Adonis [56]. La seule publication qui suit linterprétation de Jahn est celle du savant allemand J. Overbeck [57] qui, en 1887, pense pouvoir aussi y reconnaître Apollon.
Ainsi Jahn, dans la lignée de la tradition philologique allemande, développe un discours positiviste qui exclut la moindre part de subjectivité : « Je suis loin assurément de nier que les vases peints puissent offrir le mythe dAdonis ; toutefois, je ne saurais guère voir dans lespèce détonnement par lequel on voudrait faire entendre que ce mythe doit sy rencontrer en effet, autre chose que lexpression dun vu. » [58] Il ny a pour lui aucun doute possible sur la rigueur de lidentification de cette scène, puisquil peut avancer, à lappui de sa démonstration, plusieurs références littéraires : « aucune uvre figurative antique avait de légitimité si elle allait à lencontre de la tradition littéraire. » [59] Il identifie cependant seulement le couple assis dans le char et laisse en suspens les autres personnages. Limage devient, au sein de cette méthode traditionnelle, une illustration du document figuré et ne trouve pas dautonomie propre. On remarque dans la méthode de Lenormant une influence des lectures symboliques de limage qui le pousse à une interprétation abusive : nous pensons en particulier à la valeur cosmique quil donne à cette composition. Il est intéressant de noter, également, que lanalogie, couramment employée dans la lecture de limage au XIXe siècle, lui permet de mettre en uvre le syncrétisme mystique. Lassociation de deux personnages de la mythologie ou de la tradition littéraire, pour nommer une figure de limage, lui permet deffectuer des glissements dun mythe à un autre et de percer à jour, daprès lui, le sens énigmatique de certains documents figurés. Il aborde le déchiffrement d« un système de syncrétisme mystique » [60], convaincu du fait que « les monuments de lart portent des traces évidentes de mythes entremêlés et enchevêtrés. » [61] Il ne propose, cependant, au lecteur aucun véritable moyen de validation pour vérifier ces analogies, et à ce dernier de réaliser que cette méthode repose sur un savoir littéraire. Le vocabulaire sur lequel le savant appuie sa démonstration,
Lanalyse de ce vase nous a montré différentes approches de limage antique dans la première moitié du XIXe siècle, une approche, dans la lignée de lEcole philologique allemande, qui se fonde sur un savoir littéraire ; une approche fondée sur un savoir littéraire, mais qui expérimente de nouvelles méthodes pour mieux comprendre limage. Cette étude est un exemple intéressant des expérimentations qui ont lieu dans le domaine de lanalyse de limage pendant cette période. Après les interprétations abusives de lEcole symbolique, au début du siècle, lEcole philologique allemande établit un discours positiviste qui exclut toute subjectivité ; cependant, le goût de lexpérimentation demeure, face à une méthode, certes rigoureuse, mais qui donne finalement peu de réponses : « Dans le contexte dun XIXe siècle rigoureux et philologue, mais aussi traversé par une poussée de la mythologie qui entretient des rapports parfois confus avec la symbolique, le vase peut se donner à lire à lexcès. Cest une phase utile qui permet les premières mises en rapport systématiques des données textuelles et des images. » [63]
Il nous faut préciser enfin que ces analyses de limage sont trop anciennes pour prendre en compte les questions posées par le contexte culturel, le lieu dorigine, celui de la production, la classification stylistique ou chronologique. Nous rappelons que le vase étudié dans ce texte est dit étrusque par Lenormant, de Witte et Jahn dès 1836, détermination confirmée par J.D. Beazley en 1968. Dans les années 1830 - 1840, les savants perçoivent les grandes lignes des distinctions entre fabriques. On dissocie, en général, lorigine grecque des origines italiennes, mis à part quelques réticences parmi de rares savants italiens, chez lesquels un courant détruscomanie survit autour de la quête dune identité nationale. Nous entendons par fabriques italiennes, la dissociation de provenance que font les savants entre la Grande Grèce et lÉtrurie. Ainsi, quand Lenormant, de Witte et Jahn appliquent à un vase le terme étrusque, ils signifient le vase à leur lecteur comme provenant dÉtrurie et fabriqué en Étrurie. La détermination du contexte culturel de lobjet ninfluence donc pas, chez eux, le choix dune méthodologie distinctive dans lapproche de limage : le système danalyse de limage est établi, puis appliqué à tous les vases, quils soient grecs, étrusques ou italiote. On ne pourra dailleurs au Xxe siècle définir et travailler ces problématiques de contextualisation des images antiques, que dans la mesure ou Beazley et Trendall auront auparavant accompli leurs recherches sur les grandes sériations stylistiques et chronologiques.
Dans une approche historiographique des méthodes danalyse de limage appliquées à la céramique antique, nous essayons donc de ne jamais perdre de vue les différentes étapes de la mise en place dun savoir céramologique, sur lequel peut sélaborer une science iconographique, telle que nous la concevons aujourdhui.
Sabine Jaubert
(Institut national dhistoire de lart Paris ; Université Paul Valéry Montpellier)
[1] Cette étude a fait lobjet dinterventions dans les séminaires dA. F. Laurens (Université Paul Valéry Montpellier), de F. Lissarrague (E.H.E.S.S. Paris) et dans lEcole doctorale organisée par N. Lubtchansky (Université François Rabelais Tours) et C. Pouzadoux (Université de Nanterre) à lEcole française de Rome en décembre 2003. Je les remercie davoir permis, en minvitant à parler, quaient lieu les échanges fructueux qui ont enrichi cette publication. Je remercie également M. Denoyelle (Musée du Louvre) des remarques quelle a bien voulu apporter au texte final.
[2] Cf. A. Schnapp, La Conquête du passé, aux origines de larchéologie, Paris, 1993, p. 307-308.
[3] E. Décultot, Johann Joachim Winckelmann, Enquête sur la genèse de lhistoire de lart, Paris, 2000, p. 225.
[4] Cf. A. C. F. de Caylus, , Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques et romaines, 7 volumes, Paris, 1752-1757 ; cf. B. de Montfaucon, L’Antiquité expliquée et représentée en figures, 15 volumes, Paris, 1719-1724. Au sujet de la présence du concept dans les écrits antiquaires dès le XVIIIe siècle, cf. A. Schnapp, « La méthode de Caylus » in Caylus mécène du roi, collectionner les antiquités au XVIIIe siècle, catalogue de l’exposition présentée au musée des Monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France du 17 décembre 2002 au 17 mars 2003, publié sous la direction d’Irène Aghion, Paris, Institut nationale d’histoire de l’art, 2002.
[5] Cf. E. Décultot, op. Cit., p. 235.
[6] Idem.
[7] S. Reinach, « Totems et tabous », in Cultes, mythes et religions, Paris, 1996, p. 21.
[8] S. Reinach, op. cit, p. 24.
[9] Cf. K. O. Müller, Prolégomènes à une mythologie scientifique, 1825.
[10] Cf. C. Spillmann, Le profil archéologique d’Ottto Jahn et sa place dans l’Altertumswissenschaft du XIXe siècle allemand, Mémoire de D.E.A. sous la direction de Madame le Professeur Laurens, non publié, Montpellier, 2000.
[11] Cf. O. Jahn, Beschreibung der Vasensammelung König Ludwig in der pinakothek zu München, Munich, 1854, Préface.
[12] Cf. Ch. Lenormant et J. de Witte, Elite des monuments céramographiques ; matériaux pour l’histoire des religions et des mœurs de l’antiquité, Paris, 1844 -1857.
[13] B.M. F 100 ; J. Beazley, Etruscan Vase Painting, Oxford, 1968, p. 68.
[14] Ch. Lenormant et Jean de Witte, op. cit, 1861, tome IV, pl. 81.
[15] Au sujet de la reproduction du vase, cf. Ch. Lenormant et J. de Witte, op. cit. p. 220, note 2 : « On a donné, sur la planche LXXXI, que la silhouette du groupe obscène. »
[16] J. de Witte avec la collaboration de Ch. Lenormant, Description des antiquités et objets d’arts qui composent le Cabinet de Feu M. le Chevalier Durand, Paris, 1836, n° 155 ; O. Jahn, « Sur les représentations d’Adonis, en particulier dans le peintures de vases », « Lettre à M. J. de Witte », in Annali dell’Instituo di Corrispondenza Archeologica, Rome, 1845, tome XVII, pp. 347-386. Ch. Lenormant, « Lettre à M. J. de Witte », in Annali dell’Instituo di Corrispondenza Archeologica, Rome, 1845, tome XVII, pp. 419-432, pl. M. Ch. Lenormant et J. de Witte, op. cit, tome IV, pl. 81.
[17] J. de Witte avec la collaboration de Ch. Lenormant op. cit., n° 155.
[18] Cf. I. Jenkins, « La vente des vases Durand (Paris 1836) et leur réception en Grande-Bretagne », in Lanticomanie. La collection dantiquités aux XVIIIe et au XIXe siècles. Paris, 1992, pp. 297 306.
[19] Cf. I. Jenkins, « Contemporary mind : Sir William Hamilton’s Affairs with Antiquities », Vases and Volcanoes ; Sir William Hamilton and his collections, 1996.
[20] Cf. I. Jenkins, « La vente des vases Durand (Paris 1836) et leur réception en Grande-Bretagne », in Lanticomanie. La collection dantiquités aux XVIIIe et au XIXe siècles. Paris, 1992, pp. 297 306.
[21] La collaboration se renouvelle pour plusieurs catalogues : J. de Witte avec la collaboration de Ch. Lenormant, Description dune collection de vases peints et bronzes antiques provenant des fouilles de lEtrurie, Paris, Firmin Didot frères, 1837 ; Description des vases peints et des bronzes antiques qui composent la collection de M. de M. (Magnoncourt), Paris, 1839 ; Description de la collection dantiquités de M. le Vicomte Beugnot, Paris,1840.
[22] J. de Witte avec la collaboration de Ch. Lenormant, Description des antiquités et objets darts qui composent le Cabinet de Feu M. le Chevalier Durand, Paris, 1836, n° 155.
[23] Cf. J. de Witte avec la collaboration de Ch. Lenormant, op. cit., n° 155.
[24] Cf. P. Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, 1951, p.11.
[25] Cf. A. Schnapp, La Conquête du passé, aux origines de larchéologie, Paris, 1993, p. 307.
[26] O. Jahn, « Sur les représentations d’Adonis, en particulier dans le peintures de vases », « Lettre à M. J. de Witte », in Annali dell’Instituo di Corrispondenza Archeologica , Rome, 1845, tome XVII, pp. 347-386.
[27] Cf. O. Jahn, op. cit., pp. 348-359 : O. Jahn étudie des sculptures, et des miroirs étrusques sur lesquels est figuré le mythe dAdonis et Aphrodite. Dans une démarche diconographie comparée, il remet en question, par rapport à ces documents, les figurations de ce mythe sur les vases peints. Il considère que le mythe nest peut-être même jamais représenté sur les vases.
[28] O. Jahn, op. cit., p. 360-361.
[29] Pausanias, I, 2, 4 ; 31, 3 in O. Jahn, op. cit., p. 362.
[30] Pour un rappel du mythe dOrphée, cf. P. Grimal, op. cit., pp. 332-333.
[31] O. Jahn, op. cit., p. 361.
[32] Idem.
[33] Cyrène, fille du roi des Lapithes, Apollon en devint amoureux, lenleva sur son char dor et lemmena en Libye.
[34] Apollodore de Rhodes, Arg., II, 502 et suiv. et Schol. aux v. 498, 500, in O. Jahn, op.cit., p. 363, note 7 ; on trouve la même référence littéraire dans P. Grimal, op.cit., p.111.
[35] Ch. Lenormant, op. cit., pp. 419-432.
[36] Lasyndète est un terme qui sapplique en général aux études textuels et qui correspond à une figure stylistique qui « désigne labsence des conjonctions, le refus de la subordination associé à celui de la coordination ; les phrases, propositions ou constituants de la phrase, ne sont que juxtaposés. Elle participe dune esthétique de limplicite : le lien logique nétant pas exprimé, il est laissé à linterprétation du lecteur. ». Cf. D. Bergez, V. Gérard, J.J. Robrieux, Vocabulaire de lanalyse littéraire,, Paris, 1994.
[37] Ch. Lenormant, op. cit., p. 421.
[38] Le mot grec « sύmplegma, atoV, to » est traduit dans le Bailly par « entrelacement .» Il devient courant au XIXe siècle de désigner par ce terme les groupes de deux personnes enlacées sur les images. Lusage est resté en iconographie.
[39] Ch. Lenormant, op.cit., p. 422.
[40] Idem.
[41] Idem.
[42] Ch. Lenormant, op.cit., p. 421.
[43] Ch. Lenormant, op.cit., p. 422.
[44] Idem.
[45] Idem.
[46] Cf. supra note n°43.
[47] Ch. Lenormant, op.cit., p. 422.
[48] Cf. P. Grimal, op. cit., pp. 332-333.
[49] Ch. Lenormant, op.cit., p. 426-427.
[50] Idem.
[51] H.B. Walters, Catalogue of the Greek and Etruscan Vases in the British Museum, IV volumes, Londres, 1896.
[52] S. Reinach, Répertoire des vases peints grecs et étrusques, Paris, 1899.
[53] J. D. Beazley, op. cit.
[54] Lexicon Iconographicum Mythologicae Classicae, Verlag, Zurich.
[55] Lexicon Iconographicum Mythologicae Classicae, Verlag, Zurich, I, pp. 222-229, II, fig. Adonis54.
[56] Idem.
[57] J. Overbeck, Griechische Kunstmythologie, Leipzig, 1887.
[58] O. Jahn, op. cit. p. 361.
[59] O. Jahn, Beschreibung der Vasensammlung König Ludwigs in der Pinakothek zu München, Munich, 1854, p. 120.
[60] Ch. Lenormant, op. cit. p. 429.
[61] Idem.
[62] Ch. Lenormant, op. cit., p. 429.
[63] A.-F. Laurens, « Le vase à lire », in Le vase grec et ses destins, Catalogue de lexposition « Le fabuleux destin du vase grec », Mariemont, 2003, Avignon, 2004, P. Rouillard et A. Verbanck-Piérard, Munich, 2003, p. 206.